Avec la victoire du Parti québécois aux élections générales d'hier, Pauline Marois deviendra dans quelques jours la première femme à accéder à la direction du gouvernement du Québec. Aucune politicienne ne méritait autant que Mme Marois d'écrire cette page d'histoire.

Il a fallu beaucoup de détermination à la députée de Charlevoix-Côte-de-Beaupré pour franchir, une par une, les étapes d'une longue carrière politique qui l'ont menée à la tête des plus importants ministères, puis à la direction du Parti québécois. Pauline Marois a connu des moments pénibles au cours des derniers mois. Cependant, malgré la mer houleuse, elle est restée sur le pont et a mené son parti aux résultats d'hier soir. Comme elle l'a fait encore hier soir, faisant preuve d'un grand sang froid.

Le gouvernement Marois sera minoritaire. Compte tenu des pourcentages obtenus par les différents partis, il aurait été injuste qu'il en soit autrement. Les talents de leadership de Mme Marois, entre autres sa capacité à trouver des compromis, seront mis à l'épreuve. Son discours de fin de soirée était prometteur à cet égard.

Dans cette situation, la nouvelle première ministre devrait concentrer ses efforts sur les politiques qui touchent les problèmes concrets des Québécois, et mettre de côté sa «gouvernance souverainiste», notamment les manoeuvres visant à provoquer les conditions gagnantes pour un référendum. Les résultats d'hier confirment qu'une majorité de citoyens n'a aucun appétit pour ce débat. Avec l'appui d'à peine un tiers des Québécois, la nouvelle première ministre n'a pas la légitimité nécessaire pour entreprendre des réformes radicales.

À la surprise de plusieurs, le Parti libéral formera l'opposition officielle. Les sondages ont encore une fois sous-estimé le vote libéral, qui ne s'est pas effondré au profit de la CAQ. Chef de la formation depuis 14 ans, premier ministre depuis neuf ans, Jean Charest peut s'enorgueillir d'avoir lutté avec énergie jusqu'à la fin. Cependant, M. Charest a été battu dans sa circonscription de Sherbrooke. Il n'en a rien dit dans son discours, mais on peut penser qu'il prépare sa sortie.

On a dit bien des méchancetés au sujet de M. Charest. L'histoire sera plus juste. Elle retiendra, entre autres, qu'il a été l'un des politiciens les plus tenaces de notre époque et l'un des défenseurs les plus éloquents de l'unité canadienne.

Bien que le gouvernement soit minoritaire, les libéraux devront prendre le temps de se renouveler, un processus qui doit aller au-delà de l'élection d'un nouveau chef. Leurs cousins libéraux fédéraux ont fait l'erreur de manoeuvrer en fonction d'un retour rapide au pouvoir; on voit quel prix ils ont payé.

Homme pressé, François Legault aurait bien sûr aimé voir sa Coalition avenir Québec faire mieux. Néanmoins, il faut se rappeler qu'il y a un an, ce parti n'existait pas. Les résultats d'hier constituent donc une avancée significative. La CAQ pourra profiter des prochains mois pour prendre l'expérience et la cohérence qui lui manquent. Elle pourra alors prétendre, de façon plus crédible, à former le prochain gouvernement de la province.

Cette campagne électorale a suscité énormément d'intérêt dans la population, comme en témoigne un taux de participation plus élevé. En même temps, de nombreux électeurs ont exprimé leur peu d'enthousiasme à l'égard du choix qui leur était offert. Les élus ne devront pas se méprendre: la défaite des libéraux ne signifie pas la fin du désabusement populaire à leur endroit. Pour regagner la confiance de la population, ils auront fort à faire.