Le premier débat des chefs de cette campagne électorale, diffusé hier soir à Radio-Canada, a donné lieu à des échanges vifs, mais, heureusement, avec un minimum de cacophonie. Il n'y a pas eu de coup fatal ou de gaffe monumentale.

On connaissait les talents de «debater» du premier ministre sortant. M. Charest était comme toujours très à l'aise, ne cédant rien à ses critiques, défendant avec vigueur le bilan de son gouvernement, souriant presque trop quand on l'attaquait. Et puis, certains de ses arguments ne portent plus. Blâmer le Parti québécois pour les problèmes du réseau de la santé, alors que les libéraux sont au pouvoir depuis une décennie, n'est tout simplement pas crédible. «Je croyais que vous aviez rangé cette cassette», lui a lancé la chef du Parti québécois, Pauline Marois. Plusieurs téléspectateurs ont dû se passer la même remarque.

Mme Marois n'a ni surpris ni déçu. Elle a exprimé avec passion son désir de travailler pour «le monde». Elle a voulu se montrer plus pragmatique que François Legault en ce qui a trait aux problèmes du système de santé, faisant preuve là d'une saine prudence. Mais elle a esquivé les critiques de ses opposants au sujet de sa stratégie référendaire. M. Legault a été particulièrement incisif à ce sujet, accusant la chef péquiste d'avoir cédé le choix de la date du référendum aux «militants purs et durs» du PQ.

Le chef de la Coalition avenir Québec était, des trois chefs pouvant aspirer au pouvoir, le seul qui n'avait aucune expérience de tels débats. On ne s'attendait pas à une performance remarquable de sa part, puisque l'homme est peu réputé pour son charisme. Au final, c'est lui qui nous a le plus impressionné. Il parlait avec conviction, questionnait sans relâche ses adversaires et se défendait habilement contre leurs attaques. Surtout, il parlait en termes simples des problèmes concrets qui préoccupent les gens.

En termes simples, mais l'envers de cette médaille, c'est que plusieurs des solutions avancées par la CAQ paraissent simplistes. Promettre un médecin de famille pour chaque Québécois dès la première année d'un gouvernement caquiste, c'est prendre les gens pour des valises.

Cela dit, François Legault a bien mis de l'avant le côté le plus séduisant de sa démarche: «Les Québécois sont tannés des chicanes entre fédéralistes et souverainistes. Ils veulent qu'on fasse le ménage.»

Le style de la représentante de Québec Solidaire, Françoise David, tranchait. Elle n'avait pas l'agressivité des autres. Elle a mis de l'avant avec conviction un idéal de justice sociale d'une grande noblesse, mais qui fait souvent fi des exigences de la réalité. Cette approche différente aura sans doute plu à plusieurs qui en ont assez des politiciens traditionnels.

Quel impact aura ce débat sur l'opinion des Québécois? Difficile à dire, tellement chacun peut l'avoir perçu différemment. De plus, il y aura trois autres débats, un contre un, à compter de ce soir, sur les ondes de TVA. Ceux qui ont mieux fait hier soir trébucheront peut-être à une autre occasion, et vice versa. En somme, cette campagne est loin d'être terminée.