Depuis quelques semaines, le «printemps érable» a cédé la place à l'été des festivals. Et à la crise étudiante a succédé la crise des... piscines.

Certains voyaient (espéraient) une révolution. Or, fait inédit dans l'histoire, les révolutionnaires québécois sont partis en vacances. La Bastille? On verra ça après la fête du Travail.

La colère populaire est indéniable mais, aux yeux de la plupart des Québécois, la situation n'est pas grave au point d'y sacrifier leurs plaisirs estivaux. Voilà qui devrait permettre de replacer le mouvement du printemps dans une plus juste perspective.

Bien sûr, le mouvement étudiant redeviendra bruyant bientôt, dans le contexte d'une très probable campagne électorale. On pourra alors mesurer la profondeur réelle de la crise. S'agit-il d'autre chose qu'une protestation contre l'augmentation des droits de scolarité combinée à une hostilité généralisée contre le gouvernement libéral? Dans le manifeste publié la semaine dernière, la CLASSE affirme que la grève est «une action collective qui dépasse les intérêts étudiants, qui ose revendiquer un monde différent, loin d'une soumission aveugle à la marchandisation». Toutefois, qu'arrivera-t-il à cette «grève sociale» si les libéraux sont battus et que l'augmentation des droits de scolarité est annulée? Combien continueront la «révolution» ?

Parenthèse: le manifeste de la CLASSE affirme: «Nous sommes le peuple.» Mais, si l'on en croit le texte, ce peuple n'est formé que de «locataires»; pas de place pour les propriétaires. Ces derniers (1,9 million de Québécois, dont 300 000 ont une piscine...) sont apparemment rangés au sein de l'«élite capricieuse et avide» ...

Deuxième parenthèse: à tous ceux convaincus que sous les libéraux, les services publics ont été saccagés, veuillez prendre note que le poids des dépenses publiques dans l'économie québécoise est aussi élevé que sous les gouvernements Bouchard et Landry et que le nombre d'employés du gouvernement provincial est essentiellement le même qu'il y a 10 ans. On peut certes dénoncer le bilan de ce gouvernement mais il est faux de prétendre que Jean Charest a imposé une cure minceur draconienne à l'État québécois.

La bonne nouvelle dans cette pause estivale, c'est que les étudiants semblent maintenant vouloir se mobiliser pour voter lors des prochaines élections. Les jeunes seraient donc sur le point de réaliser que la démocratie représentative (que la CLASSE dénonce) n'est pas sans valeur. Et que leur vote peut avoir un impact considérable sur la façon dont le Québec sera gouverné.

Déposer un bulletin dans une boîte de scrutin, c'est moins spectaculaire que marcher nu dans la rue et moins bruyant que taper sur une casserole. Cependant, mis ensemble, ces centaines de milliers de bouts de papier pèsent plus lourd que n'importe quelle manifestation.