Réunis à Victoria, les premiers ministres provinciaux ont unanimement dénoncé la décision fédérale de déterminer unilatéralement le rythme de croissance futur de ses paiements de transfert destinés à la santé. «Cette décision est sans précédent et inacceptable», a déclaré la première ministre de Colombie-Britannique, Christy Clark.    

Les provinces aimeraient négocier. Mais le premier ministre fédéral, Stephen Harper, a profité d'une entrevue à Radio-Canada pour fermer la porte à double tour: «Nous avons établi les sommes que le gouvernement fédéral pouvait se permettre de verser à long terme. Nous nous attendons à ce que les premiers ministres provinciaux, qui sont les principaux responsables du système de santé, mettent en place les réformes qui permettront de le préserver.»

Rappelons que le mois dernier, le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, avait pris de court ses homologues en leur annonçant qu'à l'issue de l'entente de 10 ans conclue en 2004, le transfert canadien pour la santé (TCS) augmentera de 6% par an pour seulement trois années supplémentaires. Par la suite, la croissance de ces paiements sera calquée sur celle du PIB (ce qui devrait donner en moyenne autour de 4%). Les provinces soutiennent que le vieillissement de la population engendre une croissance plus rapide de leurs dépenses.

Dans ce dossier, c'est Ottawa qui a raison. Bien sûr, le gouvernement Harper aurait pu être plus élégant dans sa façon de faire. Néanmoins, une chose est claire: les provinces ne pourront pas longtemps se permettre de voir leur plus gros poste de dépenses augmenter plus vite que l'économie (i.e. plus vite que leurs revenus). Les rapports Ménard et Castonguay ont tous deux recommandé à Québec de «ramener la croissance des dépenses publiques de santé à un niveau soutenable».

La proposition fédérale garantit une hausse du TCS de 6% par année jusqu'à 2016-2017. Les provinces ont donc amplement le temps de s'ajuster. Si, d'ici là, elles sont incapables de reprendre le contrôle de leurs dépenses en santé, ce sera à elles (et à leurs contribuables) d'en subir les conséquences.

Les premiers ministres provinciaux ont d'autant moins raison de protester que, pour la première fois depuis des lunes, Ottawa n'assortit aucune condition au versement du TCS. Or, les provinces (surtout le Québec) dénoncent depuis des années l'imposition de conditions par le fédéral dans un domaine qui est de leur compétence. L'offre du gouvernement conservateur constitue pour elles un gain majeur. Les ministères provinciaux de la santé seront plus libres que jamais de gérer le système à leur guise.

Non sans raison, les provinces ont pendant des années mis les problèmes du système de santé sur le dos du fédéral. Cette fois-ci, leur indignation sonne faux. En fait, la proposition du gouvernement Harper renvoie les provinces à leurs responsabilités. À elles de les prendre.