L'élection d'un gouvernement conservateur majoritaire a été l'événement le plus important de l'année au Canada, selon un sondage réalisé par la Presse canadienne auprès des responsables des rédactions des médias du pays. Avec quelques décennies de recul, les historiens considéreront peut-être les élections du 2 mai 2011 comme l'un des scrutins les plus importants de l'histoire canadienne. Cela dépend de l'usage que le premier ministre, Stephen Harper, fera de sa majorité.

Le Canada est fondé sur des compromis. Compromis entre les groupes linguistiques, entre les confessions religieuses, entre les régions. Promouvoir l'intérêt national tout en étant sensible aux besoins particuliers des divers groupes composant le pays, tel est le principal devoir du premier ministre, surtout s'il jouit de la grande marge de manoeuvre que lui donne la majorité au Parlement.

C'est malheureusement un devoir que M. Harper a négligé pendant ses huit premiers mois à la tête d'un gouvernement majoritaire. La plupart des mesures mises de l'avant par le cabinet, si elles jouissaient de l'appui de la clientèle de base du Parti conservateur, ont soulevé colère et inquiétude. On pense à la destruction du registre des armes d'épaule et à l'imposition de peines plus sévères pour certaines crimes. Si le gouvernement avait été moins entêté, il aurait pu apporter certains changements à ces mesures de façon, au moins, à amortir le choc. Rien de cela; le gouvernement a fait la sourde oreille aux experts, aux provinces et à un grand nombre de Canadiens.

Pourtant, le soir du 2 mai, M. Harper avait promis de «gouverner pour tous les Canadiens incluant ceux qui n'ont pas voté pour nous.» Il y a quelques jours à peine, dans son message de Noël, le premier ministre a dit que son gouvernement va «continuer à promouvoir ce qui nous unit comme Canadiens.» Or, ce gouvernement n'a cessé de semer la zizanie en espérant en tirer profit.

Avec raison, Ottawa va consacrer le gros de ses énergies en 2012 à la situation économique. Le prochain budget du ministre des Finances, Jim Flaherty, dévoilera où et comment les conservateurs comptent comprimer les dépenses gouvernementales «d'au moins 4 milliards d'ici 2014-2015» (dixit le budget de 2011). Les choix que fera le gouvernement et la manière dont il les défendra permettront de voir si M. Harper et ses acolytes ont appris à user de leur majorité avec maturité et modération. Tout exercice de compression des dépenses publiques soulève la controverse. Mais celle-ci sera plus vive, et plus néfaste pour l'unité du pays, si les institutions touchées et les programmes sacrifiés l'ont été pour des raisons idéologiques plutôt qu'à la suite d'un examen rigoureux.

M. Harper se targue de tenir ses engagements. L'année qui vient nous indiquera si la promesse faite le soir du 2 mai 2011, la plus importante de toutes, est de celles que le premier ministre compte respecter.