Le Rapporteur spécial des Nations unies sur les droits des peuples indigènes a publié mardi un communiqué dans lequel il déplore les conditions de vie des Cris habitant la réserve d'Attawapiskat, dans le Nord de l'Ontario. M. James Anaya y exprime sa «profonde inquiétude au sujet des affreuses conditions sociales et économiques» existant dans cette communauté, des conditions «représentatives de celles de plusieurs communautés autochtones au Canada.»

Le gouvernement Harper a réagi avec sa bêtise habituelle. Une porte-parole du ministre des Affaires autochtones a soutenu que les affirmations du représentant de l'ONU «manquent de crédibilité» et comportent plusieurs inexactitudes. La démarche de M. Anaya, a-t-elle soutenu, est un «coup publicitaire».

Pourtant, la déclaration en question rapporte fidèlement la situation à Attawapiskat telle qu'elle a été décrite par les médias d'ici: «Plusieurs membres de cette Première Nation vivent dans des cabanes ou des roulottes non-chauffées, sans eau courante. Le problème est particulièrement sérieux puisque l'hiver approche.» Les conditions dans plusieurs réserves autochtones au Canada, poursuit le Rapporteur spécial, «s'apparentent présumément à celles du Tiers-Monde». C'est triste mais exact.

M. Anaya demande, poliment, au gouvernement du Canada de lui faire part de son point de vue sur les informations qu'il a reçues à ce sujet. Pas de quoi susciter la colère du ministre John Duncan. Quoique, on le sait, la vérité choque...

Aucun pays n'aime se faire taper sur les doigts par des étrangers. Surtout quand ceux-ci touchent à une plaie vive. On dira que James Anaya a publié son communiqué sans avoir visité Attawapiskat. C'est vrai mais le gouvernement serait mal placé pour s'en plaindre, M. Duncan ayant lui-même refusé de se rendre dans la réserve.

De plus, M. Anaya n'est pas le premier venu. Diplômé de Harvard, il est une autorité en matière de droit autochtone. Le contexte canadien ne lui est pas inconnu puisqu'il a enseigné à l'Université de Toronto.

Certes, le gouvernement fédéral dépense beaucoup pour améliorer les conditions de vie dans les réserves indiennes. Force est de constater que cela ne suffit pas. Le Rapporteur spécial de l'ONU n'est pas le seul à le dire; l'ancienne Vérificatrice générale, Sheila Fraser, a fait le même constat dans un rapport publié l'été dernier.

Les conditions de vie pénibles des Autochtones sont une honte pour le Canada. Au lieu d'envoyer promener ceux qui nous rappellent notre devoir humanitaire, le gouvernement devrait accueillir ces interventions avec respect et ouverture. Le monde doit savoir que le Canada est conscient du caractère inadmissible de cette situation, toute complexe soit-elle, et que le gouvernement est déterminé à tout faire pour y remédier.