Il ne fait plus de doute que le gouvernement fédéral va faire adopter sans changements importants le projet de loi C-10 visant à punir plus sévèrement les criminels. À quoi ressemblera la justice criminelle, notamment au Québec, après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi?

Dès qu'il est question du gouvernement Harper, bien des gens perdent tout sens de la nuance. Non, le Canada ne deviendra pas le Texas. Non, ça ne sera pas la fin des programmes visant la réhabilitation des auteurs d'actes criminels. Non, les ados reconnus coupables d'un crime ne seront pas tous envoyés au pénitencier.

«Le modèle québécois de justice pénale pour les adolescents sera littéralement jeté aux poubelles», a soutenu hier la chef du Parti québécois, Pauline Marois. Il s'agit d'une grossière exagération.

En ce qui a trait aux jeunes contrevenants, le projet de loi modifie le point d'équilibre de la loi de façon à ce que le système judiciaire envisage, davantage qu'aujourd'hui, des peines sévères pour les adolescents ayant commis des crimes graves. Toutefois, il n'y a rien d'automatique. Ainsi, la Couronne ne sera pas plus qu'aujourd'hui tenue de réclamer une sentence applicable aux adultes.

L'abolition des peines avec sursis pour plusieurs crimes et les peines minimales obligatoires prévues par le projet de loi seront plus problématiques; elles priveront la Couronne et les juges d'une grande partie de la discrétion dont ils jouissent aujourd'hui. Les policiers et les groupes de victimes applaudissent. Cependant, en ignorant les circonstances propres à chaque acte criminel, la nouvelle loi imposera l'emprisonnement à des personnes qui auraient de bien meilleures chances de réhabilitation hors du système carcéral.

Au Québec, le ministre de la Justice donnera sûrement instruction aux procureurs d'agir de façon à préserver le plus possible l'approche québécoise dans le domaine criminel. Il est toutefois difficile de prévoir dans quelle mesure ils y parviendront, C-10 réduisant considérablement leur marge de manoeuvre.

Le gouvernement fédéral a malheureusement rejeté un amendement plein de bon sens proposé par le NPD. En vertu de cet amendement, le Parlement aurait été tenu de faire un examen des conséquences de la nouvelle loi trois ans après son entrée en vigueur. «Au bout de trois ans, les données seront exactement les mêmes qu'aujourd'hui. Cet amendement n'est donc pas nécessaire», a tranché un député conservateur.

Le gouvernement Harper n'est donc pas plus intéressé à connaître l'impact qu'aura C-10 qu'à tenir compte des nombreuses études démontrant que des peines plus sévères ne diminuent pas la criminalité. Les conservateurs prétendent agir au nom des victimes. En réalité, leur approche simpliste risque de multiplier le nombre de victimes en y ajoutant tous ceux qui seront inutilement envoyés derrière les barreaux.