Lundi, le candidat du gouvernement Harper pour le poste de Vérificateur général du Canada, Michael Ferguson, s'est engagé à parler couramment le français d'ici un an. La veille, en annonçant sa candidature à la direction du NPD, le député néo-écossais Robert Chisholm, a dit qu'il serait en mesure de répondre aux questions des journalistes francophones d'ici le jour du vote, en mars prochain. Il y a deux semaines, le nouveau juge de la Cour suprême, Michael Moldaver, avait lui aussi promis de se mettre à l'étude du français.

Ces trois cas sont révélateurs du talon d'Achille de la politique des langues officielles au Canada: si elle a considérablement amélioré le statut du français au sein de la bureaucratie fédérale et étayé les droits des minorités francophones hors du Québec, elle n'a pas vraiment imprégné la culture de la majorité canadienne-anglaise. Ce qui fait que même des gens comme MM. Ferguson, Chisholm et Moldaver, qui ambitionnent sans doute depuis un certain nombre d'années d'occuper des fonctions d'envergure nationale, n'ont pas entrepris d'apprendre le français avant aujourd'hui.

Cette attitude est révélatrice d'une indifférence certaine à l'égard du fait français, d'un manque de curiosité intellectuelle aussi. Le fait que ces trois hommes dans la cinquantaine ou plus (le juge Moldaver a 63 ans) s'imaginent pouvoir apprendre la langue de Vigneault en quelques mois montre qu'ils n'ont aucune idée de la difficulté que représente l'apprentissage d'une langue seconde pour un adulte.

Pour ce qui est du poste de Vérificateur général, le gouvernement Harper soutient que malgré son unilinguisme, Michael Ferguson était le plus qualifié des candidats. La description du poste soulignait pourtant que «la maîtrise des deux langues officielles est essentielle». Que serait-il arrivé si le candidat le plus qualifié sous tous les autres aspects avait été un unilingue francophone? La réponse est évidente.

Des Canadiens anglophones ont dit qu'il serait injuste de réserver certains postes de haut niveau aux personnes bilingues, qu'on se priverait ainsi de la contribution de personnes très compétentes. Justement, Ottawa devrait envoyer un message clair à ces Canadiens de talent qui espèrent un jour occuper les plus hautes fonctions dans l'appareil fédéral: débrouillez-vous pour apprendre les deux langues officielles du pays.

Les grandes institutions nationales, qui comptent parmi leurs responsabilités celle de refléter l'idéal canadien, doivent être dirigées par des personnes bilingues, capables de communiquer autant en français qu'en anglais avec leurs employés et avec les citoyens. Les événements des dernières semaines rappellent que, malheureusement, il y a encore beaucoup de travail à faire pour atteindre cet objectif.