Aux yeux de bien des Québécois, le Québec est de loin la société la plus progressiste du Canada, tellement que selon certains, nos valeurs sont fondamentalement différentes de celles des autres Canadiens. Les cow-boys de l'Alberta nous semblent particulièrement mal embouchés, eux dont la plus grande manifestation culturelle est le Stampede et dont toute l'économie repose sur une destruction systématique de l'environnement.

Pourtant, les choses changent. À la suite de la course à la direction du parti conservateur de la province, qui s'est conclue dimanche, l'Alberta sera pour la première fois dirigée par une femme. Il s'agit d'Alison Redford, une avocate de 46 ans spécialisée dans les droits de la personne. À ce chapitre, l'Alberta devance donc le Québec, prétendu paradis de l'égalité des sexes. Mme Redford appartient à l'aile progressiste de son parti. Durant sa campagne, elle s'est engagée à augmenter le soutien financier aux arts et à la culture, ceux-ci représentant «le moyen d'expression le plus profond et le plus vrai des Albertains». Au sujet de la production du pétrole et du gaz, Mme Redford estime que «le principal défi que nous devons relever est celui du développement durable de nos hydrocarbures du point de vue environnemental et social.»

Bref, celle qui sera bientôt assermentée première ministre de l'Alberta a des idées assez différentes de celles de ses prédécesseurs. Sa victoire, même si elle a été très serrée, montre que la province n'est plus tout à fait ce qu'elle était.

Il y a un an, une autre élection avait révélé la même tendance. Naheed Nenshi, alors âgé de 38 ans, avait surpris tout le monde en remportant l'élection à la mairie de Calgary. Nenshi, diplômé de Harvard, professeur, passionné d'urbanisme, musulman, a promis un gouvernement plus démocratique et un meilleur système de transports collectifs.  «Le transport en commun est la solution à un grand nombre des problèmes de la ville, disait-il durant sa campagne. De la congestion à la pollution de l'air à l'inclusion sociale, le transport en commun est le fondement de la réussite des villes.»

Comment expliquer que les Albertains fassent tout à coup des choix politiques différents ? Il est vrai que la rupture est loin d'être totale : aux dernières élections fédérales, le Parti conservateur a remporté 27 des 28 sièges de la province. Cela dit, la population albertaine est de plus en plus jeune (à 36 ans, la moyenne d'âge est la plus basse au pays). Cette population est aussi beaucoup plus diversifiée qu'on le croit : 22% des habitants de Calgary font partie d'une minorité visible, les groupes les plus importants étant d'origine chinoise et sud-asiatique.

Bien sûr, il se trouve encore des Albertains qui ne connaissent rien du Québec et qui entretiennent à notre sujet beaucoup de préjugés. Admettons toutefois que l'inverse est aussi vrai.