Les partis de l'opposition à Ottawa veulent faire comparaître les dirigeants de Shell Canada devant un comité des Communes pour les forcer à dire pourquoi ils ont refusé de vendre leur raffinerie de Montréal alors qu'au moins un acheteur semblait disposé à offrir un prix raisonnable. «La gang de Shell, vous allez venir nous donner l'heure juste», a tonné le député libéral Denis Coderre.

Les partis de l'opposition à Ottawa veulent faire comparaître les dirigeants de Shell Canada devant un comité des Communes pour les forcer à dire pourquoi ils ont refusé de vendre leur raffinerie de Montréal alors qu'au moins un acheteur semblait disposé à offrir un prix raisonnable. «La gang de Shell, vous allez venir nous donner l'heure juste», a tonné le député libéral Denis Coderre.

L'opposition a raison: Shell doit s'expliquer. Depuis qu'elle a annoncé la fermeture de sa raffinerie en janvier, l'entreprise s'est contentée de brefs communiqués de presse et de courriels sibyllins pour informer la population et les 550 employés de l'usine de l'évolution de la situation. Pire, le mois dernier, l'entreprise a sommé l'avocat Michael Fortier de mettre un terme à ses démarches visant à trouver des acheteurs pour la raffinerie. Comme si Shell voulait par-dessus tout éviter d'être confrontée à une offre qu'elle ne pourrait refuser sans perdre la face.

Un tel comportement n'est pas digne d'un bon citoyen corporatif. C'est aussi en contradiction avec la mission que prétend se donner l'entreprise, soit «satisfaire à la demande mondiale croissante d'énergie de façon responsable sur les plans économique, social et environnemental». Shell est implantée dans l'est de Montréal depuis 77 ans; elle doit le respect à cette communauté, en particulier aux employés qui risquent de se retrouver sans emploi. Respecter ces personnes, c'est d'abord les informer correctement de la situation. Shell était-elle vraiment intéressée à vendre? Sinon, pourquoi a-t-elle fait marcher tout le monde?

Les politiciens impliqués dans le dossier ont aussi un devoir à l'endroit des travailleurs: celui de ne pas susciter de faux espoirs. Mandaté par Québec, Me Fortier a fait des pieds et des mains pour amener Shell à vendre la raffinerie plutôt qu'à la transformer en simple terminal. Toutefois, il y a bien peu qu'un gouvernement puisse faire lorsqu'une multinationale prend des décisions fondées sur un plan d'affaires conçu à l'échelle mondiale. Shell a décidé au début de cette année de se débarrasser de 15% de sa capacité de raffinage. Des raffineries en Grande-Bretagne, en Allemagne et en Nouvelle-Zélande ont été mises en vente. En Amérique du Nord et en Europe, il y a surcapacité de raffinage et ce volet de l'industrie est beaucoup moins rentable qu'au cours de la dernière décennie. Même une fois la récession terminée, la demande pour les produits pétroliers ne connaîtra probablement plus le même rythme de croissance qu'autrefois en raison de la lutte aux émissions de gaz à effet de serre. Bref, la fermeture de la raffinerie montréalaise de Shell résulte d'une conjoncture internationale sur laquelle les gouvernements ont bien peu de prise.