Le gouvernement Harper va déposer la semaine prochaine un projet de loi créant une commission nationale des valeurs mobilières. Il s'agit d'une étape de plus dans la politique de ce gouvernement visant à expulser les provinces d'un champ de compétence qu'elles occupent depuis des décennies. Cette initiative est l'une des plus centralisatrices de l'histoire canadienne. L'expression «fédéralisme prédateur» est galvaudée mais là, c'est bien de cela qu'il s'agit.

Le gouvernement Harper va déposer la semaine prochaine un projet de loi créant une commission nationale des valeurs mobilières. Il s'agit d'une étape de plus dans la politique de ce gouvernement visant à expulser les provinces d'un champ de compétence qu'elles occupent depuis des décennies. Cette initiative est l'une des plus centralisatrices de l'histoire canadienne. L'expression «fédéralisme prédateur» est galvaudée mais là, c'est bien de cela qu'il s'agit.

Dans le passé, Ottawa a pu justifier ses interventions dans les plates-bandes provinciales par le fait que les provinces, faute de moyens ou de volonté, laissaient ces terres en friche. Il ne peut invoquer la même raison ici. Les valeurs mobilières sont reconnues de compétence provinciale depuis toujours. Les provinces ont mis en place des organismes de réglementation qui s'acquittent bien de leurs responsabilités.

Le gouvernement canadien et les milieux financiers canadiens-anglais rêvent de centraliser tout cela à Toronto. Le premier ministre ontarien a qualifié la Ville reine de «Wayne Gretzky des marchés financiers au Canada»; il va donc de soi, dans son esprit, que s'installe sur Bay Street une autorité régissant l'industrie d'un océan à l'autre.

Selon le ministre fédéral des Finances, Jim Flaherty, une commission unique sera plus efficace, notamment dans la chasse aux fraudeurs. Elle diminuera les coûts pour les émetteurs et les investisseurs. Elle permettra au Canada d'être mieux représenté dans les forums internationaux. Cependant, ni Ottawa ni ses alliés n'ont été en mesure d'étayer solidement ces affirmations.

Ayant passé en revue les études canadiennes et étrangères faites sur ces questions, Pierre Lortie (ancien patron de la Bourse de Montréal, de Provigo et de Bombardier Transport), affirme: «La preuve empirique recueillie mène inévitablement à la conclusion que les arguments employés pour justifier cette prise de contrôle par le gouvernement fédéral sont mal fondés et, trop souvent, travestissent la réalité.» Le document que fait circuler M. Lortie est plus complet et plus convaincant que tout ce qu'il nous a été donné de lire à ce sujet. Il y démonte chacun des mythes diffusés par l'axe Ottawa-Toronto quant à l'inefficacité et aux coûts du système actuel.

Si la tentative d'expropriation fédérale réussit, il s'agira d'une grave atteinte au caractère fédéral du Canada, caractère qui repose sur le respect mutuel des compétences. Il semble que le premier ministre, Stephen Harper, soit prêt à sacrifier ses convictions les plus profondes (le «fédéralisme d'ouverture») à des considérations partisanes. Il faudra donc compter sur la Cour suprême pour rappeler à tous que, comme elle l'a souligné dans son arrêt sur le droit à la sécession, le fédéralisme est un des «principes constitutionnels directeurs fondamentaux» du pays.