À entendre le syndicat des infirmières et les associations de médecins qui lui ont donné leur appui, la pénurie d'infirmières pourrait se régler en un tournemain si seulement le gouvernement en avait la volonté politique. Il suffirait d'accepter la transformation radicale des horaires de travail des infirmières suggérée par la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ). Les choses sont loin d'être aussi simples.

La FIQ propose que les infirmières passent d'un horaire de cinq jours par semaine à un horaire de quatre jours. Pendant ces quatre journées, elles travailleraient 32 heures, trois heures de moins qu'actuellement, tout en étant rémunérées pour 35 heures. En revanche, les infirmières laisseraient tomber 14 congés. Un tel horaire aurait pour effet, selon la centrale syndicale, de rendre les conditions de travail des infirmières plus attrayantes. Les jeunes infirmières seraient moins portées à quitter leur emploi, les plus âgées repousseraient leur retraite.

 

Le travail à temps partiel disparaîtrait; les infirmières qui travaillent actuellement deux ou trois jours par semaine seraient tenues d'en travailler quatre. Le nombre de jours de travail ainsi ajoutés compenserait l'impact du passage à la semaine de quatre jours.

Au ministère de la Santé, on ne voit pas les choses du même oeil. Dans le meilleur des cas, on croit qu'il faudrait 4000 infirmières supplémentaires pour combler les quarts de travail désormais abandonnés. On craint aussi que, forcées de travailler quatre jours par semaine, plusieurs infirmières préférant le temps partiel déserteraient le secteur public en faveur des agences de placement privées.

La FIQ a prévu le coup: elle suggère que le gouvernement interdise l'emploi par le secteur public d'infirmières provenant des agences. Le syndicat fait le pari qu'une telle mesure ramènerait au public bon nombre d'infirmières. Cependant, rien n'est moins sûr. Un grand nombre d'infirmières donnent priorité à la flexibilité de leur horaire et n'accepteraient qu'en désespoir de cause un horaire à temps plein.

À la place de la formule mur à mur et risquée mise de l'avant par la FIQ, la partie patronale propose d'ouvrir la porte à une rotation des quarts de travail. Ainsi, les jeunes infirmières ne seraient pas les seules à se taper les quarts de nuit et de soir. C'est une approche que le syndicat a toujours rejetée, les infirmières ayant le plus d'ancienneté ne voulant rien savoir de retourner travailler la nuit.

On se retrouve dans une impasse, d'autant plus que selon le gouvernement, les demandes des infirmières sont très coûteuses (410 millions par année, sans compter les augmentations de salaire). Étant donné les limites de la capacité financière de l'État québécois, il faudrait que les parties s'entendent sur les mesures ciblées qui seraient les plus susceptibles d'entraîner une amélioration de la qualité des soins. Il s'agirait que chacun accorde une priorité absolue au bien-être des patients. C'est sans doute trop demander.