Il y a cinq ans, le gouvernement Charest était plongé dans la controverse après avoir décidé, dans la plus grande discrétion, d'augmenter le financement des écoles privées juives. Devant la colère populaire, où l'antisémitisme et l'intolérance côtoyaient une colère légitime, le premier ministre a dû reculer. Devenu le symbole de l'incompétence de ce gouvernement pendant ses premières années, l'épisode a traumatisé les libéraux; ils ont juré qu'on ne les y reprendrait plus.

Pourtant, nous voici face à une nouvelle controverse au sujet d'écoles privées juives. Cette fois-ci, il s'agit de modifications au régime pédagogique qui permettront, entre autres, à des établissements juifs orthodoxes de donner des cours le dimanche. Ce changement découle d'ententes conclues en décembre dernier, ententes qui règlent un problème vieux de plusieurs années. Huit écoles juives violaient les prescriptions du régime pédagogique en négligeant les matières de base au profit d'un enseignement intensif de la religion. La ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, a obtenu de ces écoles qu'elles accordent aux matières obligatoires le temps recommandé, en échange de quoi elle les autorise à poursuivre l'enseignement la fin de semaine. Le calendrier scolaire étendu permettra à ces établissements de consacrer comme avant plusieurs heures à la formation religieuse tout en se conformant aux exigences du régime pédagogique.

 

L'entente en question, bien que Mme Courchesne la considère à juste titre comme «historique», n'a pas fait l'objet d'une annonce formelle. Les modifications au régime pédagogique non plus. Le gouvernement craignait que toute annonce d'une concession consentie à une petite partie de la communauté juive ne provoque la colère d'une population qui en a soupé des accommodements, raisonnables ou non. Il a préféré agir en catimini. Une très mauvaise idée: le chat sorti du sac, les gens sont plus furieux encore.

L'opposition péquiste s'est évidemment fait un plaisir de mettre le gouvernement dans l'embarras. Hier, la chef du PQ, Pauline Marois, a mis l'accent sur l'incohérence des explications de la ministre plutôt que sur l'entente conclue avec les écoles juives. Souhaitons que cette prudence présage d'une approche modérée dans ce dossier délicat.

Une telle attitude serait d'autant plus souhaitable que, contrairement à la décision relative au financement des écoles juives prise en 2004, cette mesure-ci est parfaitement justifiable. En effet, n'en déplaise aux croisés de la laïcité absolue, cet accommodement est non seulement raisonnable, il est à l'avantage de la société québécoise. Il permettra aux jeunes juifs orthodoxes de bénéficier d'une formation plus proche de celle des autres enfants de la province, et ce, sans causer de préjudice à la majorité, à la laïcité des institutions publiques ou à l'identité québécoise.

Demain

Écoles juives: la croisade laïciste

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