«De la glace!» s'écrie Tintin lorsqu'il se retrouve sur une surface bleutée et lisse, au fond d'une crevasse lunaire. Hergé a publié On a marché sur la Lune en 1954. Il y a quelques jours, 55 ans plus tard, la NASA a confirmé avoir trouvé la preuve de la présence de glace et d'eau sur notre satellite.

«De la glace!» s'écrie Tintin lorsqu'il se retrouve sur une surface bleutée et lisse, au fond d'une crevasse lunaire. Hergé a publié On a marché sur la Lune en 1954. Il y a quelques jours, 55 ans plus tard, la NASA a confirmé avoir trouvé la preuve de la présence de glace et d'eau sur notre satellite.

C'est un scientifique belge (Max Hoyaux) qui, suivant les aventures du reporter dans le Journal Tintin, a écrit à Hergé pour lui souligner que «l'existence d'une couche de glace sur le sol (de la Lune) n'est pas à exclure».

Depuis ce temps, cependant, rares étaient ceux croyant que l'Homme trouverait sur le triste satellite une quantité importante d'eau, liquide ou gelée. Lorsque les astronautes américains Neil Armstrong et Buzz Aldrin ont marché sur la Lune en 1969, Aldrin a parlé d'une «désolation splendide». (Hergé avait glissé dans la bouche de Tintin les mots «effrayant de désolation».)

La Lune allait désormais être considérée comme un astre mort. Quand le programme Apollo a pris fin, tout le monde comprit qu'il n'y avait plus rien d'intéressant à découvrir là.

En septembre dernier, stupéfaction: un spectromètre de la NASA, monté à bord d'un vaisseau indien en orbite au-dessus de la Lune, a découvert des molécules d'eau à divers endroits sur la surface de notre satellite. Il ne s'agissait pas de lacs ou de rivières, évidemment, mais de molécules dispersées. «Si on recueillait une tonne de sol lunaire, on obtiendrait un litre d'eau», a expliqué un membre de l'équipe scientifique.

Quelques semaines plus tard, une autre mission de la NASA a amené une découverte encore plus spectaculaire. La mission LCROSS visait à faire s'écraser une fusée sur la Lune et à faire analyser par un satellite suivant la même trajectoire le panache de poussière provoqué par le choc. Grâce encore une fois aux analyses spectrométriques, on a trouvé d'importantes quantités de glace et de vapeur dans ce panache. L'image qu'avait de la Lune la communauté scientifique venait de changer. «Au lieu d'être un monde mort et statique, la Lune pourrait être un lieu dynamique et fascinant», selon un spécialiste de l'Université de Californie, Greg Delory.

Si la nouvelle a fait le tour du monde, on n'a pas senti beaucoup d'intérêt dans les médias et dans la population. Au Québec, le voyage de Guy Laliberté et les problèmes de l'ADQ ont davantage attiré l'attention. Il s'agit pourtant d'une découverte d'une immense importance. Et, comme beaucoup d'avancées scientifiques, elle suscite davantage de questions que de réponses.

D'où vient cette eau? De l'époque lointaine où est née la Lune, possiblement d'une collision entre la Terre et un autre corps céleste? Des vents solaires ou de rencontres avec des comètes? Bref, tout à coup, la Lune redevient un objet intéressant pour la science.

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L'ancien président américain, George W. Bush, avait donné à la NASA le mandat de renvoyer des missions habitées sur la Lune d'ici 2020. Toutefois, ce n'est pas l'exploration du satellite qui intéressait la Maison-Blanche, mais celle de Mars. La Lune n'aurait été rien d'autre qu'une base pour lancer des missions vers la planète rouge.

Élu président, Barack Obama a mandaté une commission d'experts pour lui faire des recommandations sur la suite à donner à l'exploration du cosmos. La commission Augustine, du nom de son président Norman Augustine, ancien patron du géant aérospatial Lockheed Martin, a conclu qu'un retour sur la Lune exigerait plus de temps et beaucoup plus d'argent que ce qu'on prévoyait jusqu'à maintenant. On a pu croire alors que c'en était fait des missions habitées sur la Lune.

La découverte de quantités substantielles d'eau change la donne. D'une part, elle rend beaucoup plus prometteur le volet scientifique d'éventuelles missions sur la Lune. D'autre part, elle accroît le potentiel du satellite comme base spatiale permanente. Si on parvenait à l'extraire du sol, cette eau pourrait servir à la fois à abreuver les habitants d'une telle base et à fabriquer du carburant pour les fusées (l'eau étant composée d'hydrogène et d'oxygène, dont la forme liquide est souvent employée pour propulser des fusées).

En somme, la présence d'eau sur la Lune changera probablement le cours de l'exploration spatiale. Et un jour, qui sait, le cours de l'histoire humaine.