Le rapport publié hier par le vérificateur général démontre que le ministère des Transports fait preuve d'une négligence inacceptable dans la gestion des nombreux et imposants contrats qu'il attribue à des entrepreneurs et à des firmes de services professionnels.

En conférence de presse, Renaud Lachance a été très prudent dans ses propos, évitant soigneusement de parler de pratiques illégales: «Nos travaux ne visaient pas à détecter s'il y avait collusion ou si le ministère des Transports participait à ce genre de collusion. « Cependant, ce que le vérificateur général a découvert, c'est que le MTQ ne dispose pas des mécanismes qui permettraient d'empêcher ou de détecter d'éventuelles fraudes. Il y a bien des règles en place, mais celles-ci sont mal suivies, voire ignorées.

Le Ministère peut donner des contrats sans passer par la procédure d'appel d'offres lorsqu'il y a situation d'urgence. Or, dans plusieurs dossiers examinés par le vérificateur général, l'urgence était loin d'être évidente.

D'importants contrats d'asphaltage ont été accordés sans appel d'offres à la firme ABC Rive-Nord sous prétexte qu'elle était le seul fournisseur capable de réaliser ces travaux. Or, selon M. Lachance, d'autres entreprises étaient en mesure de faire le travail. ABC Rive-Nord est depuis plusieurs mois l'objet d'une controverse parce que le député libéral David Whissell est un des propriétaires de l'entreprise (ses intérêts sont toutefois placés dans une fiducie sans droit de regard).

Dans un cas particulièrement troublant, les fonctionnaires ont omis d'aviser la Sûreté du Québec et le Bureau de la concurrence du Canada après qu'une vérification interne eut découvert deux contrats de déneigement pour lesquels on avait «clairement essayé d'éliminer la concurrence». Une négligence surprenante étant donné que quelques années plus tôt, six entrepreneurs en déneigement avaient reconnu leur culpabilité à des accusations de collusion.

Tout cela révèle un laxisme inadmissible, le même laxisme qu'avait déploré la commission d'enquête sur l'effondrement du viaduc de la Concorde. Cette culture de laisser-aller est en outre très inquiétante dans le contexte des gigantesques travaux d'infrastructures routières lancés par le gouvernement Charest.

L'opposition exagère en accusant les ministres libéraux d'être «complices» d'un système illicite et de mener une opération de «couverture» de ce système. Absolument rien n'indique qu'il y ait eu ingérence politique dans les dizaines de contrats étudiés par le vérificateur général.

Cela dit, le gouvernement de Jean Charest devra répondre de la manière dont il gère ce nouvel épisode de la saga des contrats douteux. Son refus de tenir une enquête publique devient plus inacceptable à chaque jour qui passe. Malheureusement, on n'a pas senti hier que les membres du Conseil des ministres étaient outrés de ce qu'ils apprenaient, comme ils auraient dû l'être.