Le front commun des centrales syndicales dépose aujourd'hui ses demandes en vue du renouvellement des conventions collectives de 475 000 employés du secteur public. Au coeur de ces demandes, on trouve des augmentations de salaire de 3,75% par année pour trois ans, soit 2% d'indexation annuelle plus 1,75% de «rattrapage». Si le gouvernement devait consentir à ces augmentations, ses dépenses augmenteraient à terme de 3,8 milliards par an.

Ce dépôt survient quelques jours après la révision des données sur la situation financière du gouvernement, révision selon laquelle le déficit du gouvernement atteindra 4,7 milliards cette année et l'an prochain. Le gouvernement Charest reste déterminé à revenir à l'équilibre budgétaire d'ici 2013-2014, ce qui nécessitera d'importantes compressions de dépenses. Est-il possible d'y arriver sans toucher à la rémunération des employés du gouvernement, qui représente 55% des dépenses de programmes?

La tentation sera forte pour Québec de refaire le coup de 2005, soit d'imposer aux fonctionnaires et travailleurs de la santé et de l'éducation un gel de salaire par loi spéciale. Le gouvernement pourra sans doute compter sur le soutien de la population qui ne comprendrait pas qu'on augmente les salaires des employés de l'État dans un tel contexte financier. Pourtant, il faudrait y penser à deux fois avant d'emprunter cette voie.

S'il est vrai que les fonctionnaires et autres travailleurs gouvernementaux jouissent de conditions avantageuses, notamment en ce qui a trait aux horaires de travail et à la sécurité d'emploi, il faut savoir aussi qu'ils sont moins bien payés que leurs homologues du secteur privé. Un employé de bureau du gouvernement gagne 10% de moins que celui d'une entreprise privée; un professionnel gagne 7% de moins. De plus, depuis 2001, les travailleurs du gouvernement québécois ont vu leur rémunération augmenter moins rapidement que ceux du privé; ils ont notamment subi un gel de salaires en 2004 et 2005, en pleine prospérité économique.

La période actuelle n'est certainement pas propice à des augmentations de salaire importantes. Faut-il pour autant s'en prendre encore une fois au pouvoir d'achat de ces travailleurs? Faut-il absolument passer par une loi spéciale?

Puisque les Québécois font le choix de profiter de services publics étendus, ils doivent accepter de payer convenablement les gens qui les rendent. Sinon, les emplois du public seront de plus en plus occupés par les personnes les moins qualifiées. En bout de piste, c'est la qualité des services, notamment dans les réseaux de la santé et de l'éducation, qui en souffrira.