Ceux qui doutaient encore de la nécessité d'une enquête publique sur l'avalanche de scandales et d'allégations qui s'est abattue sur le Québec doivent aujourd'hui se rendre à l'évidence. Les aveux et accusations de Benoit Labonté sont autant de gouttes qui font déborder le vase.

Faut-il croire tout ce que dit l'ancien bras droit de Louise Harel? Qui a menti mentira. Le croit-on lorsqu'il dit qu'il n'a pas manipulé d'argent comptant? Lorsqu'il prétend s'être tu dans l'espoir de nettoyer le système «de l'intérieur»? Certaines de ses descriptions sont convaincantes. D'autres sont floues, M. Labonté rapportant seulement «ce que tout le monde dit en ville».

 

Quoi qu'il en soit, les allégations sont très graves. Elles s'ajoutent à plusieurs autres révélations faites sous le couvert de l'anonymat et aux nombreux comportements douteux mis au jour par les médias, dont La Presse. Résultat: la population est furieuse et dégoûtée. Selon le sondage Angus-Reid publié hier, 81% des Québécois souhaitent la tenue d'une enquête publique. Le premier ministre, Jean Charest, ne peut plus ignorer cette volonté populaire.

Si on en croit les propos du ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis, la résistance du gouvernement résulte des représentations des forces policières; celles-ci souhaitent mener leurs enquêtes en paix. Toutefois, si traduire les coupables devant les tribunaux est important, il est crucial d'exposer toute l'envergure du système devant le tribunal de l'opinion publique. D'autant plus que la police n'enquêtera pas sur des gestes licites mais immoraux, notamment le financement par des entrepreneurs des campagnes au leadership.

Le mandat de la commission d'enquête serait nécessairement vaste, compte tenu de l'ampleur apparente du problème. Pour le rendre gérable, on pourrait en exclure la collusion entre entrepreneurs et l'infiltration du milieu de la construction par le crime organisé, questions qu'on a de toute façon avantage à laisser à la police. La commission devrait donc enquêter sur le financement des partis politiques et sur les liens présumés entre ce financement et l'attribution des contrats publics.

La commission pourrait aussi se pencher sur la nécessaire réforme du système de financement des partis. Plusieurs ont évoqué la possibilité de remplacer le financement populaire par un financement d'État. C'est ce qui a été fait au niveau fédéral. Cela a-t-il éliminé la corruption, le favoritisme?

Nous applaudissons bien sûr le lancement de l'opération Marteau, qui devrait permettre aux policiers d'accélérer et d'étendre leurs enquêtes. Cependant, cela ne suffira pas à rassurer la population. Le premier ministre doit sans tarder ordonner la tenue d'une enquête publique. S'il ne le fait pas, il faudra conclure que, comme l'affirment les partis de l'opposition, les libéraux ont quelque chose à cacher.

apratte@lapresse.ca