La ministre Line Beauchamp a déposé la semaine dernière un document de consultation sur le prochain plan québécois de lutte aux changements climatiques. En conférence de presse, Mme Beauchamp a dit que le Québec doit se donner des objectifs «ambitieux» en ce qui a trait à la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans l'après-Kyoto, de 2012 à 2020: «Le Québec va montrer la voie en établissant des cibles qui vont être considérées comme très ambitieuses face à la communauté internationale.» Pour que cela soit le cas, les citoyens du Québec devront accepter que leur portefeuille souffre.

Le document ministériel propose quatre cibles de réduction des émissions de GES d'ici 2020: 10%, 12%, 15% ou 20% sous le niveau de 1990. Comme d'ici 2012, le Québec atteindra sans mal l'objectif fixé pour le Canada par le protocole de Kyoto (6% sous le niveau de 1990), les cibles envisagées correspondent à des efforts supplémentaires de 4%, 6%, 10% et 15%.

On trouve dans ce document l'habituel pétage de bretelles sur les «choix stratégiques» faits par le Québec dans le passé et sur la qualité de son bulletin en matière d'émissions de GES. On y insiste sur le fait que plus la cible choisie est ambitieuse, plus les changements nécessaires seront coûteux: «Les coûts de réduction au Québec sont généralement supérieurs aux réductions antérieures ainsi qu'à ceux des partenaires nord-américains du Québec.» On comprend que le gouvernement n'est pas très chaud à l'idée d'adopter une cible élevée à moins d'obtenir «le soutien incontestable de l'ensemble de sa population».

On verra bientôt dans quelle mesure la volonté écologique des Québécois est authentique. Soyons francs: le bon bilan de la province en ce domaine n'a rien à voir avec un quelconque effort collectif entrepris pour s'attaquer au problème. Il s'explique plutôt par le fait que nous disposons de ressources hydrauliques considérables, des ressources que nous avons choisi d'exploiter bien avant que la question des changements climatiques ne soit à l'agenda. S'il était démontré que les centrales hydro-électriques sont nocives pour l'environnement, cesserions-nous du jour au lendemain de les faire tourner? Alors, comment osons-nous sermonner l'Alberta et la Saskatchewan dont la richesse, pour le meilleur et pour le pire, est pétrolière et gazière?

Selon Québec, la cible la moins exigeante ferait grimper le prix de l'essence de 3,7 cents, la cible la plus haute de 12,7 cents. Pour les familles québécoises, l'impact de la hausse des prix des carburants varierait de 75$ par année à 804$ par année.

Pour le bien de l'humanité, les Québécois soutiendront-ils la cible la plus audacieuse, donnant au gouvernement Charest la volonté d'aller de l'avant? Si nous ne le faisons pas, ayons au moins la décence d'arrêter de faire la leçon aux autres.