Pendant que le secrétaire général Ban Ki-moon et Barack Obama inauguraient la 64e session de l'Assemblée générale des Nations unies, Stephen Harper s'envolait vers Oakville pour participer à une cérémonie marquant le retour du siège social de Tim Hortons au Canada. Cette escapade a suscité l'indignation de beaucoup de Canadiens.

De fait, le premier ministre a commis une erreur. Mais pas pour les raisons que l'on croit.

Dans un éditorial résumant bien le point de vue de plusieurs, le Toronto Star écrivait hier: «Compte tenu de l'importance particulière de cette assemblée-ci, M. Harper semble avoir manqué une occasion en or d'attirer l'attention sur le point de vue canadien au sujet des questions internationales.»

 

Cette thèse n'est pas fondée. Si M. Harper s'était adressé à l'Assemblée générale, la salle aurait été aux trois quarts vide et personne n'aurait porté la moindre attention à ses propos. Les discours de la grande majorité des 65 chefs d'État ou de gouvernements ayant pris la parole depuis deux jours ont d'ailleurs été accueillis par une totale indifférence.

M. Harper n'a pas non plus participé à la table ronde sur les changements climatiques à laquelle l'ONU avait convié le Canada, qui lui aurait donné l'occasion d'échanger avec les dirigeants des Îles Comores et de la Micronésie... Comme son homologue britannique Gordon Brown, le premier ministre canadien s'est limité au dîner de travail organisé par le secrétaire général Ban Ki-moon pour 23 leaders, dont Barack Obama, Nicolas Sarkozy, Hu Jintao, Dmitri Medvedev, Lula da Silva, etc.

Homme pratique et impatient, M. Harper a choisi d'utiliser son temps à autre chose que d'écouter du bla-bla diplomatique. Au symbole d'un chef de gouvernement canadien s'adressant à la planète, il a préféré le symbole d'un premier ministre proche des gens ordinaires, pour qui les beignes de Tim Hortons font davantage partie du quotidien que la réforme de l'ONU.

Et c'est là que le chef conservateur a commis une erreur. Le rôle du Canada dans le monde est un des fondements du nationalisme canadien. Les Canadiens sont convaincus que leur pays joue ou peut jouer un rôle crucial dans le monde. C'est un fantasme, le syndrome de Pearson. Sauf exception, notre pays n'a tout simplement pas le poids économique et militaire qui lui permettrait de jouir d'une grande influence dans les affaires internationales.

Si M. Harper devait prendre la parole à l'ONU et participer activement aux discussions sur les changements climatiques, c'est donc moins pour influencer la communauté internationale que pour rassurer les Canadiens sur la place de leur pays dans le monde. Pour entretenir le fantasme.