L'inquiétude gagne les dirigeants d'entreprises occidentales présentes en Chine à la suite de l'arrestation de quatre employés de la multinationale Rio Tinto, dont un cadre de citoyenneté australienne. Soupçonnés de corruption et de vol de secrets commerciaux, ces employés sont détenus depuis cinq semaines. Aucune accusation n'a été déposée et ils n'ont pas encore obtenu le droit de consulter un avocat.

Le vice-ministre chinois du Commerce, Fu Ziying, a donné l'assurance que les suspects subiront un procès équitable: «La Chine est maintenant gouvernée par la loi.» Les Occidentaux qui connaissent le système judiciaire de l'empire du Milieu sont sceptiques.

 

On ne peut certainement pas exclure que les employés de Rio Tinto se soient rendus coupables d'activités illicites. La corruption est très répandue en Chine. Il faut être deux pour danser le tango: si des fonctionnaires se laissent acheter, il y a évidemment des gens, dont des Occidentaux, qui les soudoient.

Cela dit, plusieurs observateurs croient que l'arrestation des représentants de la multinationale australienne cache d'autres motifs que la lutte contre la corruption. On rappelle que Rio Tinto a laissé tomber l'entente qu'elle avait conclue avec Chinalco, entente qui aurait fait de cette dernière le plus important actionnaire de l'entreprise. Les Chinois achètent plus de 60% du minerai de fer exporté dans le monde; la participation de Chinalco dans Rio Tinto leur aurait conféré une influence considérable dans la détermination du prix de ce minerai.

Les employés de Rio Tinto ont été appréhendés alors que piétinent les négociations entre les producteurs de minerai de fer (dont Rio) et les aciéries chinoises, ces dernières réclamant des rabais substantiels par rapport aux prix déjà négociés avec d'autres pays. Est-ce un hasard?

Les Occidentaux comme les Chinois auraient avantage à tirer des enseignements de cette affaire. Les premiers devront apprendre à être encore plus prudents dans leurs relations avec des partenaires locaux, sachant combien les autorités là-bas sont déterminées à mettre un terme à la corruption.

Les dirigeants chinois, pour leur part, doivent tenir davantage compte des sensibilités occidentales. Ils sont convaincus du bien-fondé des accusations qu'ils comptent porter contre les employés de Rio Tinto? Qu'ils agissent de façon à convaincre les gens d'affaires étrangers que les procédures sont justes et transparentes, notamment en permettant aux détenus d'avoir immédiatement accès aux avocats dont ils ont retenu les services.

Comme l'a souligné le premier ministre australien, Kevin Rudd, «de nombreux gouvernements et entreprises étrangers vont suivre cette affaire avec beaucoup d'intérêt». Si Pékin agit en la matière comme le ferait tout État de droit, les relations économiques entre la Chine et l'Ouest s'en trouveront renforcées.

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