Pendant huit mois, Melissa Todorovic a harcelé son amant. Jalouse d'une ancienne amie de ce dernier, elle insistait pour qu'il la tue. Elle allait le priver de relations sexuelles tant qu'il ne commettrait pas l'irréparable.

Finalement, le jeune homme a cédé. Le jour de l'An 2008, il s'est rendu chez Stefanie Rengel et lui a assené six coups de couteau.

 

Pour être certaine qu'il s'était bien plié à ses exigences, Melissa Todorovic a appelé le cellulaire de la victime. Pas de réponse. Elle a demandé à son amant de lui raconter comment les choses s'étaient passées. Puis, ils ont fait l'amour...

Le meurtrier a plaidé coupable à une accusation de meurtre prémédité. Celle qui l'a poussé à agir, reconnue coupable de meurtre elle aussi, a reçu sa peine d'un juge de la Cour supérieure d'Ontario cette semaine. Le magistrat Ian Nordheimer devait soupeser plusieurs facteurs.

Quel est le degré de responsabilité de Melissa, compte tenu du fait qu'elle n'a pas elle-même commis le meurtre? Le juge a tranché qu'elle était tout aussi responsable, sinon davantage, que celui qui a planté le couteau dans le ventre de Stefanie: «La marionnettiste n'est pas moins digne de reproches que la marionnette.»

L'auteure d'une telle machination peut-elle être réhabilitée? Il faut ajouter à ce stade une information capitale: au moment du meurtre, Melissa Todorovic était âgée de 15 ans. Son copain avait 17 ans. La victime, Stefanie, en avait 14.

Les psychiatres qui ont témoigné en cour ne s'entendent pas sur la nature du trouble qui a poussé Melissa à agir comme elle l'a fait. Ils n'ont pu dire si un traitement quelconque parviendrait à régler le problème de la jeune femme.

Si Melissa Todorovic avait été adulte, elle aurait été automatiquement condamnée à la prison à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. Dans le cas présent, si le juge imposait la peine prévue par la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, elle aurait écopé d'une peine de 10 ans, dont les quatre dernières années purgées dans la communauté. Le juge a estimé qu'une telle peine serait insuffisante pour protéger la société. Il a donc eu recours à l'article 62 de la Loi, article qui lui permet d'imposer une peine applicable aux adultes. Melissa Todorovic a été condamnée à la prison à vie. Cependant, en raison de son âge, elle sera admissible à une libération conditionnelle après sept ans de détention. Une fois libérée, elle sera soumise jusqu'à la fin de ses jours à la supervision d'un agent de probation.

Cette affaire nous ramène au débat qui a eu lieu lors de la dernière campagne électorale fédérale. Stephen Harper avait proposé que les jeunes contrevenants reconnus coupables de crimes graves soient automatiquement soumis au régime de peines pour adultes. Gilles Duceppe l'avait accusé de vouloir envoyer «de la jeune chair» dans des prisons pour adultes. Les deux points de vue sont simplistes. Le système actuel, qui confère au juge de chaque affaire une marge de manoeuvre appréciable, est de loin préférable autant à un alourdissement arbitraire des peines qu'à une approche naïve à l'égard des jeunes criminels.

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