Il y a 10 ans, Bernard Landry soutenait que l'évolution démographique rendait l'indépendance du Québec inéluctable. «Le simple écoulement du temps donne 0,5% de plus à l'option souverainiste chaque année parce que la fatalité fait que les plus vieux ne votent plus», avait déclaré celui qui était alors vice-premier ministre. On s'en doute, ces propos avaient choqué. Ils se sont aussi révélés inexacts.

Quel impact aura l'évolution démographique sur notre débat national au cours des prochaines années? Il n'est pas facile de le prévoir. Les plus récentes projections de l'Institut de la statistique du Québec permettent toutefois d'intéressantes conjectures. Qu'arriverait-il si, porté au pouvoir aux prochaines élections, le Parti québécois tenait un référendum sur l'indépendance autour de 2016?

 

En 2016, il y aura quelque 1,1 million d'électeurs potentiels de plus que lors de la consultation de 1995. De ce nombre, plus de la moitié auront 65 ans et plus. Ces personnes âgées seront-elles, comme celles qui les ont précédées, très majoritairement opposées à la souveraineté? Impossible à dire. On sait seulement que dans les plus récents sondages CROP, les trois quarts des personnes âgées sont défavorables à l'indépendance.

On sait aussi que, contrairement à ce que calculait M. Landry, les vieux ne cessent pas de voter, car au lieu de mourir, ils ont la bonne idée de vivre longtemps. En 2016, il y aura 636 000 Québécois âgés de 75 ans et davantage, presque deux fois plus qu'en 1995. Les souverainistes auront vraisemblablement du mal à conquérir cette clientèle.

De plus en plus, la croissance de la population québécoise dépend de l'immigration. Depuis 2004, plus de 40 000 personnes venant de l'étranger s'installent chaque année au Québe. En 2016, on comptera par conséquent quelques centaines de milliers de Québécois nés hors du Canada de plus qu'en 1995. Bien qu'au sein du mouvement souverainiste, il y ait davantage de Québécois de souches diverses qu'autrefois, la très grande majorité des allophones reste opposée à la séparation (seulement 7% de oui selon CROP).

On peut enfin s'interroger sur les répercussions des migrations internes. On remarque que le bastion souverainiste de la province, le Saguenay-Lac-Saint-Jean, voit sa population diminuer lentement mais sûrement: entre 1995 et 2016, la région aura perdu 23 000 résidants.

Des régions où le mouvement indépendantiste obtient traditionnellement des scores plus faibles - Montréal, Québec, l'Outaouais et l'Estrie - connaîtront une croissance significative de leur population. Par contre, parmi les secteurs qui jouiront de la plus forte poussée démographique se trouvent des régions - Lanaudière, Laurentides, Montérégie - où le Parti québécois compte plusieurs forteresses.

Au total, les changements démographiques pourraient rendre la tâche des indépendantistes plus ardue. Cependant, ardu ne veut pas dire impossible. D'autant plus que, outre la démographie, d'autres tendances jouent. Notamment, des sondages ont montré que l'attachement des Québécois à l'égard du Canada est plus faible aujourd'hui que jamais. Leur adhésion à la fédération est donc fragile, conditionnelle... et malléable.

apratte@lapresse.ca