Le financier new-yorkais Bernard Madoff saura aujourd'hui combien d'années il passera en détention pour avoir fraudé des milliers d'investisseurs d'au moins 13 milliards de dollars US. La défense réclame une peine de 12 ans, demandant au juge de faire abstraction de «l'émotion et l'hystérie» entourant cette cause; la poursuite exige au contraire la peine maximale, soit 150 ans. Tout indique que Madoff, âgé de 71 ans, passera le reste de ses jours derrière les barreaux.

Ce qui frappe ici, c'est la rapidité avec laquelle a agi la justice. Le scandale a été mis au jour en décembre 2008. Six mois, c'est tout ce qu'il a fallu pour mener l'enquête et envoyer ce fraudeur de luxe en prison. Pendant ce temps, au Québec, cela fait quatre ans que les premières perquisitions ont été faites dans le dossier Norbourg; or, le procès criminel de Vincent Lacroix ne commencera pas avant l'automne, si procès criminel il y a.

 

Il est sans doute imprudent de comparer ces deux affaires. Madoff ayant tout de suite avoué ses crimes, l'enquête et les procédures judiciaires ont évidemment été moins ardues. Il reste que la lenteur de la Gendarmerie royale dans le dossier Norbourg, de même que la réduction de la peine imposée à Vincent Lacroix pour les infractions pénales dont il a été reconnu coupable, confirment la perception répandue selon laquelle les délits économiques ne sont pas traités assez durement au Canada.

Il est facile de comprendre la colère des investisseurs trompés quand ils ont appris que Lacroix obtiendra cet été une libération conditionnelle de jour, ayant purgé le sixième de sa peine de 42 mois d'emprisonnement (la sentence originale était de 12 ans moins un jour). Quelle que soit la peine de prison que le juge lui infligera, Bernard Madoff devra en purger non pas un sixième, mais 85%.

Il y a plusieurs années que les faiblesses de l'application des lois canadiennes contre les infractions financières sont montrées du doigt. Diverses mesures ont été prises. Le Code criminel a été renforcé, la GRC a mis sur pied des équipes spécialisées, les autorités provinciales se sont dotées de ressources supplémentaires. Toutefois, les résultats de ces changements n'ont pas été assez probants pour rassurer les investisseurs. Il y a deux mois, The Economist déplorait que «le Canada mette autant de temps que plusieurs pays d'Amérique latine à réagir aux allégations de corruption et de crimes financiers».

Cela dit, il ne faut pas oublier que même les lois les plus sévères n'empêchent pas tous les abus; on n'a qu'à voir le nombre de pyramides de Ponzi démantelées aux États-Unis au cours des derniers mois. En ce domaine comme ailleurs, la prévention est la meilleure arme. Et cette prévention commence par l'investisseur lui-même. Le scandale Madoff vient rappeler à tous la sagesse des règles de base du placement. Par exemple celle-ci: un rendement élevé garanti et sans risque, c'est trop beau pour être vrai.