Un projet annoncé à de nombreuses reprises, mais toujours retardé; un projet modifié tant de fois qu'on en perd le compte; un projet dont les coûts augmentent par bonds de centaines de millions. Le métro de Laval? Non, la modernisation de la rue Notre-Dame.

Notre collègue Tommy Chouinard révélait mercredi que le projet, qui devait coûter 750 millions selon un communiqué de presse émis en mai 2008, est maintenant évalué au double, soit 1,5 milliard. Un saut à la perche de 750 millions en neuf mois! Il n'y a pas d'autre mot: le processus d'estimation du ministère des Transports est une farce.

 

La ministre, Julie Boulet, a fait porter le blâme à ses fonctionnaires, déplorant qu'ils n'aient pas inclus l'inflation (!) et les contingences (!!) dans l'évaluation produite en 2006 et répétée depuis. Mme Boulet a ordonné l'arrêt des travaux et la révision du projet.

Au ministère, on invoque diverses raisons pour expliquer l'explosion des coûts. On souligne que le sol n'avait pas la consistance prévue et que les canalisations se trouvant sous Notre-Dame sont plus imposantes et nombreuses qu'indiqué sur les anciens plans. N'empêche: un ministère ayant construit tant de routes au fil des décennies devrait être en mesure de prévoir... les imprévus. D'autant plus que l'amélioration de la gestion des grands projets, notamment en ce qui a trait aux prévisions des dépenses, était la principale recommandation du rapport du vérificateur général sur le dérapage du métro de Laval. Ce rapport, rappelons-le, a été publié il y a presque cinq ans.

Lorsque les coûts d'un projet sont aussi grossièrement sous-évalués que ceux du métro de Laval et de la rue Notre-Dame, les citoyens se sentent floués. De plus, le processus décisionnel se trouve faussé: le gouvernement aurait-il accepté d'aller de l'avant s'il avait su qu'il lui faudrait débourser une somme aussi astronomique?

Le réaménagement de Notre-Dame, dont on parle depuis plus de 30 ans, dont le lancement a été annoncé 2001, 2005, 2007 et 2008 et qui a fait l'objet d'un laborieux compromis entre le MTQ et la Ville de Montréal, est à nouveau sur la planche à dessin. Combien de temps faudra-t-il pour arriver à un concept modifié? Ce retard provoquera-t-il une reprise du débat sur la nature de l'aménagement? À quel point la qualité du boulevard-autoroute - un concept hybride dont la fluidité reste à démontrer - sera-t-elle compromise?

Hier, autant à la Ville qu'au ministère, on parlait de solutions relativement simples qui permettraient d'économiser des dizaines, voire des centaines de millions. S'il était aussi simple de dépenser moins d'argent, pourquoi ne pas avoir adopté ces mesures dès le départ?

Jean Charest avait fait ses choux gras de l'explosion des coûts du prolongement du métro vers Laval. Voici le premier ministre puni par où il a péché. Les libéraux sont menacés d'avoir à leur passif leur propre fiasco dans le domaine du transport. Aussi étonnant et déprimant que cela soit, ni les politiciens ni les fonctionnaires ne semblent avoir tiré d'enseignements de la saga du métro de Laval.

apratte@lapresse.ca