Bob Rae s'étant élégamment retiré de la course à la direction du Parti libéral du Canada, il est désormais acquis que Michael Ignatieff succédera à Stéphane Dion. Cette entrée en scène d'un nouveau chef, politicien aussi charismatique qu'atypique, pourrait permettre au Parti libéral de renouveler son personnel, son programme et son organisation. Ou bien l'arrivée de ce «sauveur» amènera les libéraux à précipiter la tenue d'élections dans l'espoir d'un retour rapide au pouvoir, une manoeuvre opportuniste qui pourrait être néfaste pour eux comme pour le pays.

Avec un grand nombre de libéraux, Michael Ignatieff convient que la formation dont il prendra la direction a besoin de se ressourcer. Il a même proposé une nouvelle «conférence de Kingston» telle celle qu'avait tenue Lester Pearson en 1960.

 

Le Parti libéral ne doit pas seulement se refaire une santé sur les plans du financement et de l'organisation. Il doit rebâtir son unité. Il doit se donner une pensée cohérente.

Sur les questions des affaires étrangères, de l'économie et de l'environnement, la chose ne sera pas difficile. Il en sera autrement au sujet de l'avenir de la fédération. Si M. Ignatieff n'a pas été élu chef en 2006, c'est en bonne partie parce que les libéraux du Canada anglais lui en voulaient d'avoir appuyé l'idée de reconnaître le Québec comme nation, idée promue par bon nombre de militants du Québec.

M. Ignatieff devra trouver un moyen de moderniser la pensée fédérale des libéraux, écartelée entre une vision ossifiée de l'héritage de Trudeau et les velléités décentralisatrices des libéraux du Québec. À l'informe fédéralisme d'ouverture de Stephen Harper, les libéraux devront répliquer par un fédéralisme à la fois convaincu, intelligent et pragmatique.

Après avoir habilement manoeuvré au cours des derniers jours pour prendre ses distances du projet de coalition PLC-NPD-Bloc, Michael Ignatieff devra maintenant jeter cet accord aux poubelles. Un parti pancanadien ne peut pas déléguer à un parti indépendantiste le rôle de représentant du Québec au sein d'une coalition gouvernementale.

Le Parti libéral ne doit pas prendre le pouvoir à la faveur de manoeuvres de coulisses, mais offrir aux Canadiens une solution de rechange nationale au gouvernement en place. À moins que le budget présenté par le gouvernement Harper en janvier ne soit carrément odieux, les libéraux devraient le laisser passer et se concentrer sur l'essentielle reconstruction de leur formation.

M. Ignatieff a prouvé depuis deux ans qu'il est autre chose qu'un intellectuel ambitieux. Il a travaillé dur sur le terrain et au Parlement pour gagner le respect des députés et des militants. Il connaît mieux le pays et s'est fait mieux connaître des Canadiens.

Le nouveau leader du PLC a fait preuve jusqu'ici d'une grande sagesse. C'est une qualité qui a gravement manqué aux libéraux depuis le départ de Jean Chrétien. Elle leur sera essentielle s'ils veulent redevenir le parti naturel de gouvernement au Canada.