Depuis deux jours, Pauline Marois est sur la défensive, forcée de justifier les programmes de retraite précoce offerts aux médecins et aux infirmières par le gouvernement Bouchard, il y a 10 ans. Plus de 7000 professionnels de la santé avaient profité de ces programmes, provoquant de graves pénuries.

Mme Marois doit évidemment assumer la responsabilité des décisions qu'elle a prises à l'époque. Il est toutefois injuste de lui imputer les problèmes d'accessibilité aux soins qui perdurent aujourd'hui, comme le font les libéraux et les adéquistes.

 

Soulignons d'abord que les programmes en question ont été mis en place avant l'arrivée de Mme Marois au ministère de la Santé. D'ailleurs, au début des années 90, la plupart des acteurs du système de santé estimaient que le Québec souffrait... d'un surplus de médecins. Par conséquent, avant même que ne s'amorce le combat pour le déficit zéro, le gouvernement cherchait à favoriser les retraites. De plus, on a réduit considérablement les admissions dans les facultés de médecine. C'est l'effet de cette dernière mesure, davantage que celui des retraites anticipées, qui se fait encore sentir de nos jours. Or, cette diminution du nombre d'étudiants en médecine a été amorcée sous le gouvernement Bourassa.

Le gouvernement de Lucien Bouchard ne porte pas seul la responsabilité des milliers de retraites anticipées qui ont fait si mal. Les syndicats de médecins et d'infirmières insistaient à l'époque pour que Québec adopte cette voie plutôt que d'autres mesures de réduction des coûts de main-d'oeuvre.

Et puis, il faut tenir compte du contexte. Le gouvernement du Québec devait absolument réduire ses dépenses. Le réseau de la santé, qui comptait pour le tiers des dépenses de programme, ne pouvait pas être épargné.

Depuis quelques années, le nombre de médecins et d'infirmières pratiquant au Québec est en hausse. On compte aujourd'hui 1800 médecins de plus qu'en 1999, et 2800 de plus qu'il y a 20 ans. Il y a 1700 infirmières de plus qu'il y a cinq ans.

Les problèmes de main-d'oeuvre qui subsistent dans le domaine de la santé sont moins dus à une pénurie généralisée qu'à des difficultés relatives à l'organisation du travail. Des postes permanents restent vacants parce que les jeunes infirmières ne veulent pas être confinées aux quarts de nuit. Des infirmières se voient confier des tâches de bureau ou d'entretien qui sont en deçà de leurs compétences. Les jeunes médecins refusent de s'imposer les horaires de fous de leurs aînés, donnant priorité à la conciliation travail-famille.

Il s'agit là de problèmes complexes qui ne peuvent se régler d'un coup de baguette magique. Chose certaine, on ne peut pas en attribuer la responsabilité à Mme Marois, qui a quitté le ministère de la Santé il y a sept ans (elle y a d'ailleurs laissé un excellent souvenir).

Pauline Marois ferait-elle la même chose aujourd'hui, dans les mêmes circonstances? La question est piégée. La réalité c'est que, dans le contexte de la lutte au déficit qui prévalait au milieu des années 90, n'importe quel ministre de la Santé, péquiste, libéral ou adéquiste, aurait fait exactement la même chose que Mme Marois et son prédécesseur Jean Rochon.

apratte@lapresse.ca