Les prix mondiaux du pétrole sont en chute libre. Dans la journée d'hier, ils sont passés sous les 80$ le baril. L'or noir se vend donc à presque la moitié de ce qu'il coûtait l'été dernier.

Si cette tendance se maintient, les nouveaux projets d'exploitation des sables bitumineux en Alberta seront mis sur la glace, les prix étant trop faibles pour assurer la rentabilité des gigantesques investissements requis. Une bonne nouvelle pour l'environnement, évidemment. Mais une très mauvaise nouvelle pour l'économie canadienne... et pour le Québec.

 

On a beaucoup parlé contre les pétrolières et contre les sables bitumineux pendant la campagne électorale qui s'achève. Les pétrolières font trop de profits, bénéficient d'avantages fiscaux indus et polluent la planète sans scrupules, ont dit plusieurs chefs de parti. Une partie de cela est vraie. Toutefois, les politiciens, en particulier ceux du Québec, devraient aussi parler des avantages que procurent les richesses pétrolières de l'Ouest à l'ensemble du pays.

Depuis quelques années, l'Alberta est le principal moteur économique du Canada. En 10 ans, il s'est créé autant d'emplois en Alberta qu'au Québec, malgré une main-d'oeuvre deux fois plus petite. Ces emplois, des Canadiens de toutes les provinces les occupent, y compris des Québécois.

De même, nous profitons à coups de milliards des revenus qu'engrange le gouvernement fédéral grâce à la prospérité des provinces de l'Ouest. En 1998, Ottawa recueillait 6 milliards de plus en taxes et impôts en Alberta qu'il y dépensait; en 2005, ce surplus avait plus que doublé, pour atteindre 13 milliards. Le règlement du déséquilibre fiscal, c'est de là qu'il vient.

Par conséquent, le ralentissement de l'économie pétrolière de l'Ouest heurtera tout le pays, même le Québec. Parce que les revenus tirés des ressources naturelles par l'Alberta seront moins élevés, la péréquation - dont le Québec est le principal bénéficiaire - sera moins généreuse. De plus, la situation financière du gouvernement fédéral sera plus fragile, ce qui diminuera sa capacité d'agir pour amortir l'impact de la crise économique.

Certes, il faut pousser le plus possible pour que l'industrie du pétrole exploite la ressource dans le respect de l'environnement. Cependant, on rêve en couleurs si on s'imagine qu'on peut lui imposer n'importe quelle contrainte sans que cela ait un impact sur l'économie.

C'est pourquoi la taxe sur le carbone proposée par les libéraux fédéraux devrait être mise en place avec beaucoup de prudence. Au moment où les prix des matières premières sont en chute libre, frapper les entreprises touchées par une taxe risque d'avoir des effets néfastes. C'est sans doute ce que voulaient dire Bob Rae et Michael Ignatieff cette semaine lorsqu'ils ont déclaré que des ajustements pourraient être apportés au Tournant vert pour tenir compte de la situation économique. S'il est porté au pouvoir, leur chef Stéphane Dion devra se rendre à l'évidence.

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Il est très facile pour les Québécois de dénoncer les sables bitumineux comme s'il s'agissait d'une industrie étrangère dont nous ne profitons pas le moins du monde. La réalité est tout autre. Nous aussi sommes accros au pétrole de l'Alberta.