Le chef conservateur, Stephen Harper, a prédit jeudi que le Tournant vert des libéraux plongerait le Canada dans une profonde récession. «Le plan libéral ferait des ravages dans l'économie, détruirait des emplois et affaiblirait nos industries à une époque d'incertitude mondiale», a déclaré M. Harper devant les membres de la Jeune Chambre de commerce de Montréal.

Venant du premier ministre du Canada, par surcroît économiste de formation, une affirmation aussi loufoque n'est pas acceptable. On peut certes exprimer des doutes quant aux bienfaits économiques et écologiques du plan des libéraux mais il n'est pas sérieux de prétendre que celui-ci frapperait l'économie canadienne comme l'ouragan Ike les côtes du Texas.

Rappelons que le Tournant vert consiste en une taxe sur le carbone de 15 milliards, somme qui serait retournée aux contribuables par diverses prestations et baisses d'impôt. Une ponction de 15 milliards, ponction compensée par ailleurs, ne peut avoir d'effet dévastateur sur une économie de mille milliards. Pas plus qu'une baisse de la TPS de 9 milliards ne peut avoir d'effet stimulant significatif...

Quand les journalistes ont demandé à M. Harper sur quoi il se basait pour faire cette prévision apocalyptique, il a mentionné une étude produite par son gouvernement, publiée en 2007. Or, cette étude visait à mesurer l'impact économique d'une réduction immédiate des émissions de gaz à effet de serre au niveau prescrit par le Protocole de Kyoto. Ce n'est pas la cible que vise le Tournant vert de M. Dion; l'étude citée par le premier ministre n'est donc pas pertinente.

De son côté, le chef libéral a accusé le gouvernement conservateur d'avoir précipité l'économie canadienne «contre un mur». Selon M. Dion, à certains égards, le pays ne s'est pas retrouvé en aussi mauvaise posture depuis la récession des années 90.

Ce portrait de la situation économique est caricatural. Bien sûr, la croissance économique a beaucoup ralenti depuis quelques mois; jusqu'ici toutefois, les dégâts sont limités et localisés. Notamment, la proportion des Canadiens ayant un emploi reste très élevée. Plus élevée que lorsque les libéraux étaient au pouvoir, s'empresserait de faire remarquer un partisan conservateur.

Si notre économie, en particulier le secteur manufacturier, connaît des ratés, le gouvernement Harper ne peut en être tenu responsable. Les causes, les libéraux les connaissent fort bien: la hausse du taux de change, les difficultés de l'économie américaine, l'augmentation des coûts de l'énergie, la concurrence des économies émergentes. Ces facteurs n'affectent pas seulement le Canada: tous les pays développés ont vu leur économie ralentir, voire tomber en récession.

La réalité, c'est que, sauf exception, les gouvernements ont peu de prise sur la conjoncture économique. Ils peuvent intervenir pour aider ceux qui subissent les aléas de cette conjoncture. Ils peuvent aussi mettre en place les conditions de base de la réussite à long terme (fiscalité, formation, recherche et développement). Le reste n'est que «sparages» de politiciens en campagne électorale.