François Legault s'est comporté comme le garçon qui criait au loup lorsqu'il a dit que les immigrants représentaient un « risque » pour « nos petits-enfants ». Ce n'était pas beau à voir. Cela dit, on ne peut pas nier qu'il existe un malaise quant à la chute marquée du nombre d'immigrants francophones et aux ratés de la francisation.

Certaines des préoccupations soulevées ces derniers mois sont légitimes. Étant donné la fragilité du français au Québec, ce serait faire preuve d'insouciance que de les balayer d'un revers de main. Les débats à ce sujet depuis le début de la campagne et lors du débat d'hier sont donc les bienvenus. D'autant que des éclaircissements demeurent nécessaires quant à ce que proposent les candidats.

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Rappelons les faits. L'automne dernier, le ministère de l'Immigration a révélé que le taux d'immigrants francophones reçus au Québec était récemment passé de 62 à 42 % en cinq ans.

Il n'y aurait pas de quoi se faire du mauvais sang si on savait que le processus de francisation fonctionne comme sur des roulettes. Hélas, l'automne dernier également, un rapport du Vérificateur général sur la francisation des personnes immigrantes offrait un portrait accablant de la situation.

En amont, l'offre de service ressemblait à un vrai casse-tête. En aval, on constatait d'autres ratés : trop peu de nouveaux arrivants s'inscrivent aux cours offerts par le ministère de l'Immigration. Et parmi ceux qui le font, la plupart n'atteignent pas un niveau qui permet de faire des études postsecondaires en français (le niveau 8, sur une échelle de 1 à 12).

L'impression qui se dégageait du rapport était que le Ministère, premier responsable de la francisation des immigrants, se comporte en irresponsable !

Le portrait était trop sombre par rapport à la réalité. On oubliait, par exemple, de rappeler que des milliers d'immigrants adultes apprennent le français chaque année au moyen du ministère de l'Éducation. On n'expliquait pas non plus qu'une partie importante des nouveaux arrivants ne suivent pas de cours de français parce qu'ils... quittent la province !

Il est souhaitable de respirer par le nez. D'autant plus qu'une bonne partie des nouveaux arrivants (le quart, par exemple, en 2017) ont moins de 16 ans et sont pris en charge par le réseau scolaire. Ils assureront par le fait même, pour la plupart, la pérennité du français au Québec. Même chose, ne l'oublions pas, pour ce qui est des enfants des nouveaux arrivants.

Ces immigrants ne menacent pas nos petits-enfants, ils contribuent à la vitalité du français !

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Essentiellement, le Parti libéral semble vouloir redresser la barre, en grande partie en suivant les recommandations du Vérificateur général. Le travail est déjà commencé. On a notamment modifié la grille de sélection des immigrants pour accorder plus d'importance à la connaissance du français. Et on est en train de construire un guichet unique pour mieux orienter les nouveaux arrivants vers la francisation. Jusqu'à quel point la formation politique en ferait une priorité si elle est élue ? L'absence de réelle volonté de changement ces dernières années dans ce dossier à Québec nous invite à faire preuve d'un sain scepticisme.

Le Parti québécois et la CAQ, eux, veulent modifier considérablement les règles du jeu. Le premier souhaite intervenir avant l'arrivée des immigrants - économiques uniquement - et ne recruter que ceux qui connaissent suffisamment le français. Ce n'est pas farfelu, mais il ne faudrait pas sous-estimer les effets pervers potentiels d'une telle mesure. Le Québec perdrait en diversité : la plupart des immigrants viendraient désormais vraisemblablement de France, des pays musulmans du nord de l'Afrique et des pays francophones d'Afrique noire. Le Québec se priverait aussi de certains talents d'autres régions du monde ; est-ce qu'on arriverait aussi bien à répondre à la pénurie de main-d'oeuvre actuelle ? C'est ce que le PQ soutient, mais c'est loin d'être clair. Une solution moins radicale serait d'accorder encore plus d'importance au français dans les critères de sélection.

La CAQ, elle, souhaite agir après l'arrivée des immigrants. On donnera trois ans aux nouveaux arrivants pour réussir un test de français, parallèlement à un test de valeurs. Faute de quoi on refusera de leur remettre le certificat de sélection nécessaire pour faire une demande de citoyenneté.

On l'a déjà dit, mais il est important de le répéter : c'est une fausse bonne idée, quasi inapplicable. D'ailleurs, François Legault a eu du mal à désamorcer les critiques de ses rivaux, qui, hier lors du débat, ont souligné certaines des aberrations auxquelles pourrait donner lieu un tel système. Que se passerait-il, par exemple, si un enfant réussissait le test de français, mais que son papa essuyait un échec ?

Ce qui est clair et limpide, c'est que le parti qui formera le prochain gouvernement aura tout avantage à faire preuve de dynamisme, mais aussi de pragmatisme dans le dossier de la francisation... sans oublier de laisser la démagogie au vestiaire.

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