Il est de retour ! Barack Obama est réapparu mardi dernier, en Afrique du Sud. Il n'avait pas formellement disparu, mais c'était tout comme.

Depuis la fin de sa présidence, il a été extrêmement discret. Trop discret.

Mais mardi, alors que Donald Trump tentait maladroitement d'éteindre le plus récent feu qu'il avait lui-même allumé, Barack Obama a prononcé un discours majeur à Johannesburg, dans le cadre des cérémonies marquant le centième anniversaire de naissance de Nelson Mandela.

Son entourage avait dit à l'avance que ce serait son plus important discours en tant qu'ex-homme politique. Ce fut effectivement du grand Barack Obama. Une allocution inspirante dans laquelle il a fait l'éloge de l'icône de la lutte contre l'apartheid tout en mettant en garde contre les périls auxquels le monde fait actuellement face.

Et comme Barack Obama est tombé dans la marmite de l'espoir quand il était petit, il a aussi fait preuve d'optimisme. Il rappelé que l'humanité a « traversé des époques plus sombres » et s'est dit convaincu que « le bien triomphera ».

Le discours a duré plus d'une heure, mais il mérite d'être entendu (ou lu) du début à la fin. Il s'agit, comme son entourage l'avait expliqué, d'un « message de tolérance, d'inclusion et de démocratie ». Un avertissement, mais aussi un appel à la mobilisation pour la sauvegarde de valeurs et de principes universels désormais menacés.

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« La vision progressiste, démocratique » représentée par Nelson Mandela a défini les paramètres des dernières décennies, mais est aujourd'hui assiégée, a soutenu Barack Obama. « Les politiques de la peur, du ressentiment et du repli ont commencé à apparaître et font des avancées [...] à une vitesse qui aurait été inimaginable il y a seulement quelques années. »

L'ombre du président des États-Unis planait sur son discours. Comme celles de nombreux autres chefs d'État autoritaires qui ont le vent en poupe dans le monde. Mais personne n'a été nommé. Ce n'était pas nécessaire.

Entendre l'ancien président démocrate livrer ce plaidoyer pour plus de solidarité et d'humanité était inspirant. Rassurant, aussi. Mais c'était également... frustrant.

Car encore une fois, il nous rappelle - il l'avait fait ici même à Montréal en juin 2017 - à quel point il nous manque. Et à quel point on aimerait qu'il soit moins discret.

Il est un des rares leaders dans le monde à jouir d'une crédibilité et d'un prestige qui lui permettent de faire contrepoids aux figures de proue de la lutte contre la démocratie et ses institutions. Pourquoi ne se montre-t-il pas plus souvent ?

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Même les Américains, qui ont élu Donald Trump il y a maintenant 18 mois, continuent en majorité de vouer un profond respect à Barack Obama. Un sondage effectué récemment démontre qu'ils considèrent qu'il est celui qui, « de leur vivant », a fait le meilleur travail. Il a été le premier ou deuxième choix de 44 % de personnes interrogées. Il est suivi par Bill Clinton (33 %) et Ronald Reagan (32 %).

Ce sondage semble confirmer que Barack Obama est en mesure d'influencer les débats sur le sol américain comme aucun autre politicien ne peut le faire.

Pourtant, il persiste à vouloir respecter la tradition selon laquelle les prédécesseurs du président américain en exercice se tiennent loin des projecteurs. C'est regrettable. Les dégâts faits par Donald Trump méritent d'être dénoncés avec vigueur aussi souvent que possible. Et l'actuel président ne se gêne pas, lui, pour critiquer Barack Obama, l'accuser sans fondement (d'espionnage) et pulvériser son héritage.

On peut comprendre la prudence de Barack Obama. La société américaine est tellement polarisée que Donald Trump pourrait se servir des apparitions de son prédécesseur pour faire diversion. Le président républicain fouetterait plus facilement le sang de ses partisans et les controverses se retrouveraient peut-être reléguées au second plan.

Mais Barack Obama n'a pas besoin de réagir au quart de tour à tous les errements du président républicain. Il peut certainement se faire entendre plus souvent, en calibrant ses interventions pour éviter de servir de bougie d'allumage à Donald Trump.

D'accord pour faire preuve de retenue, mais s'exprimer si rarement qu'on se demande si un jour on ne verra pas sa photo sur une pinte de lait, ce n'est plus tenable.

Lors de son dernier grand discours en tant que président - qui vient d'être traduit en français et publié sous le titre Le pouvoir de l'espoir -, Barack Obama avait demandé aux Américains de se mobiliser pour défendre la démocratie. « Elle a besoin de vous, avait-il dit. Pas seulement lorsque nos petits intérêts personnels sont en jeu, mais aussi tout au long de notre existence. »

Il avait pris soin d'ajouter : « Montrez-vous. Jetez-vous dans le bain. Ne lâchez pas le morceau. » Il a prêché par l'exemple au cours des dernières décennies, c'est indéniable. Mais on aimerait, même s'il a pris sa retraite de la politique active, qu'il se jette lui-même dans le bain un peu plus souvent.

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LE DISCOURS EN CINQ CITATIONS

« Plus d'un quart de siècle après la libération de Nelson Mandela, je dois encore me présenter ici et prendre le temps de dire que les Noirs, les Blancs, les Asiatiques, les Latino-Américains, les femmes, les hommes, les homosexuels, les hétérosexuels... nous sommes tous humains. [...] J'aurais cru que nous l'avions bien compris. Que cette notion fondamentale était bien établie. »

« Pour que [les débats démocratiques] marchent, il faut croire en une réalité objective. C'est encore une de ces choses que je ne pensais pas devoir expliquer. Il faut croire aux faits. Sans les faits, il n'y a pas de base pour la collaboration. »

« Les politiques de la peur, du ressentiment et du repli ont commencé à apparaître. Et ces politiques font maintenant des avancées à une vitesse qui aurait été inimaginable il y a seulement quelques années. Je ne suis pas alarmiste. Ce sont des faits. Regardez autour de vous ! »

« C'est en partie parce que les gouvernements et les puissantes élites n'ont pas été en mesure de répondre clairement aux lacunes et aux contradictions de l'ordre international que nous voyons qu'une bonne partie du monde risque de revenir à une façon d'opérer plus ancienne, plus dangereuse et plus brutale. »

« [Nelson Mandela] nous rappelle que "personne ne naît en haïssant une autre personne à cause de la couleur de sa peau, ou de son passé, ou de sa religion. Les gens doivent apprendre à haïr, et s'ils peuvent apprendre à haïr, on peut leur enseigner aussi à aimer, car l'amour naît plus naturellement dans le coeur de l'homme que son contraire". Souvenons-nous de cette vérité. »

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