Ce fut le sommet des charlatans.

C'est une des leçons à tirer de la rencontre entre Donald Trump et Kim Jong-un. Deux imposteurs de grand talent ont cherché à épater la galerie - et l'un d'eux est un féroce tyran.

Ils tentent de nous faire croire que ce sommet a été à la fois un succès formidable et un point tournant. C'est un leurre. La montagne a accouché d'une souris.

La rencontre était historique, mais simplement parce que jamais un président américain en exercice n'avait rencontré son homologue nord-coréen. Et la tenue de cette rencontre était une bonne nouvelle, parce qu'il n'existe pas d'autre solution que la diplomatie pour mettre fin à cette crise.

Mais le résultat, lui, ne passera pas à l'histoire.

Le document signé à l'issue des pourparlers entre les deux hommes indique que la Corée du Nord «s'engage à travailler vers la dénucléarisation complète de la péninsule coréenne». Mais encore...

Vous avez une impression de déjà vu? Cessez tout de suite de vous frotter les yeux. Ce n'est pas une illusion.

Le régime nord-coréen a déjà fait ce genre de promesses. Et l'histoire nous enseigne qu'il ne faut surtout pas faire confiance à Kim Jong-un. Tout comme on ne pouvait pas faire confiance à son père.

Par conséquent, dans le cas d'une telle entente, le diable est dans les détails. Surtout quand le diable en personne est l'un de deux signataires. Or, les détails, il n'y en a pas!

Que Donald Trump se contente d'un accord si vague et en vante les mérites est en soi décevant. Mais sachant qu'il est celui qui a décrié et torpillé l'accord substantiel (et efficace) sur le nucléaire iranien, son attitude est grotesque.

Le pire dans tout ça c'est que Trump - qui a continué à se défouler sur Justin Trudeau et le Canada en direct de Singapour - a été doux comme un agneau devant le dictateur nord-coréen.

Le problème n'est pas que le président américain a serré la main du diable. C'est qu'en le faisant, il n'a pas semblé se méfier le moins du monde. Il a fait l'éloge de Kim Jong-un. Sans réserve. À l'écouter, le dictateur nord-coréen est un grand homme qui veut «faire ce qui est juste». Un chef d'État «très talentueux» qui «aime beaucoup son pays». Ce pays est pourtant une «prison à ciel ouvert», comme le soulignent les groupes de défense des droits de la personne.

Kim Jong-un est aussi «très intelligent» et «son pays l'aime», a ajouté Donald Trump. Assez, assez, nos oreilles saignent!

On est bien loin de l'attitude du président républicain Ronald Reagan face aux Soviétiques dans les années 80, ont fait remarquer hier plusieurs experts. «Faire confiance et vérifier» était sa formule fétiche.

La formule privilégiée par Trump? «Je pense qu'il me fait confiance et je lui fais confiance», a-t-il déclaré. Vérifier ne fait pas partie de l'équation. L'homme le plus puissant du monde serait-il aussi le plus naïf?

Non seulement Donald Trump est prêt à croire sur parole le régime nord-coréen quant à sa promesse de dénucléarisation, mais il a déjà accepté, en retour, de mettre fin aux exercices militaires conjoints avec la Corée du Sud. Ils coûtent trop cher et sont «très provocants», a-t-il soutenu après avoir fait cette concession majeure.

Bref, Donald Trump est bien loin de se mériter un prix Nobel à la suite de cette performance peu reluisante.

Mais - car il y a un mais et il ne faudrait pas omettre de le souligner - il y a maintenant un dialogue entre Washington et Pyongyang. Ce n'est pas rien.

Y aura-t-il une réelle volonté au sein de la Maison-Blanche et du département d'État pour mener de véritables négociations au cours des prochains moins? Kim Jong-un peut-il se transformer en interlocuteur crédible? Il y a loin, très loin de la coupe aux lèvres. Mais c'est la seule bouée de sauvetage à laquelle peuvent s'accrocher les acteurs de cette crise qui était en train de dégénérer.

Car si Donald Trump et Kim Jong-un se contentent pour l'instant de jeter de la poudre aux yeux, c'est nettement mieux que lorsqu'ils mettaient le feu aux poudres.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion