Bonne chance !

En pareilles circonstances, c'est tout ce qu'on peut souhaiter à Justin Trudeau et à ses alliés du G7, alors que commence aujourd'hui ce sommet à haut risque. Que dire d'autre ?

Même qu'on va prononcer ces deux mots avec une légère inflexion dans la voix, pour leur faire comprendre qu'on ne voudrait pas être à leur place.

La maison G7 est en feu. Et celui qui la regarde brûler, le bidon d'essence à la main et un sourire aux lèvres, est hélas le plus puissant du groupe. Il est aussi le plus borné. Personne n'a d'idée de génie pour éteindre l'incendie. Il va tout de même falloir essayer de le maîtriser...

Comment faire entendre raison à Donald Trump ? Toutes les méthodes ont été employées au fil des mois. Rien n'a fonctionné.

La chancelière Angela Merkel a été brusque et tranchante avec lui. En vain.

Le président français Emmanuel Macron lui a carrément fait les yeux doux. En vain.

Justin Trudeau a été extrêmement diplomate pendant plusieurs mois. En vain.

Et Justin Trudeau a été tranchant depuis l'annonce par la Maison-Blanche de l'imposition de tarifs douaniers sur l'acier et l'aluminium. En vain.

Le Canada vient même de se faire reprocher par Donald Trump d'avoir mis le feu à la Maison-Blanche... en 1812 ! Le festival Juste pour rire ne commence pourtant que le mois prochain !

On nage en plein désarroi. Et le président américain ne semble pas sur le point de mettre de l'eau dans son vin. Il a visiblement décidé de durcir le ton encore un peu plus.

« Je me prépare à aller au G7, au Canada, pour me battre pour notre pays au sujet du commerce. Nous avons les pires accords commerciaux jamais conclus », a-t-il écrit hier sur Twitter. Vingt-quatre heures plus tôt, le principal conseiller économique de la Maison-Blanche, Larry Kudlow, affirmait que Donald Trump « n'en démord pas et va parler fermement aux autres » leaders à La Malbaie. On apprenait, parallèlement, qu'il n'avait pas envie de participer au sommet.

Le président américain dit explicitement vouloir « se battre » avec ses amis. Pensons-y un instant. Quelle hérésie !

Ce qui signifie que les autres chefs d'État vont devoir non seulement faire front commun, mais continuer eux aussi à durcir le ton. C'est ce qu'ont d'ailleurs fait Justin Trudeau et Emmanuel Macron hier à Ottawa.

Ceci étant dit, il faut croire aux miracles pour penser qu'on pourrait en arriver à un quelconque compromis au sujet des litiges commerciaux dans le cadre du sommet. Ou sur des sujets controversés comme les changements climatiques ou le nucléaire iranien. L'objectif sera certainement plus restreint : sauver les meubles.

Pour ça, il faudra se concentrer sur des enjeux sur lesquels le dialogue demeure possible. Il y en a parmi les grands thèmes du sommet. Il sera peut-être possible d'en arriver à certains gains sur l'égalité des sexes ou sur la lutte contre le plastique dans les océans.

D'ailleurs, un bon baromètre pour savoir si le sommet n'est pas un échec sur toute la ligne sera de voir si on arrive à s'entendre sur un communiqué final. On comprendra alors jusqu'à quel point les alliés du président américain auront pu limiter ses dégâts.



PHOTO ALICE CHICHE, AGENCE FRANCE-PRESSE

« Bonne chance ! En pareilles circonstances, c'est tout ce qu'on peut souhaiter à Justin Trudeau et à ses alliés », explique Alexandre Sirois.

PHOTO TOBY MELVILLE, ARCHIVES REUTERS

Theresa May

Quatre alliés potentiels de Trudeau face à Trump

Theresa May

La relation spéciale avec le président américain n'est plus. La première ministre britannique fut certes la première dirigeante invitée à la Maison-Blanche en 2017. Mais la saga de la visite de Donald Trump au Royaume-Uni - annoncée, contestée dans l'opinion publique, puis reportée - symbolise l'état de la relation des deux dirigeants. Quand Theresa May a critiqué le retweet par le président d'un groupe d'extrême droite britannique, Donald Trump a répondu qu'elle ferait mieux de s'occuper du « terrorisme radical islamique » dans son pays. La visite du président aura finalement lieu en juillet, mais sans l'honneur protocolaire d'une « visite d'État ».

Angela Merkel

Quel contraste entre les coups de fil réguliers entre Barack Obama et la chancelière allemande, et la froideur des relations avec son successeur ! Angela Merkel aurait même eu les larmes aux yeux au moment de dire adieu au président Obama.

L'image qui reste est celle de la chancelière, au printemps 2017, attendant en vain que Donald Trump lui serre la main dans le bureau Ovale à la Maison-Blanche, le président semblant l'ignorer.

Après l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, Angela Merkel avait ouvertement critiqué ses positions sur le climat. C'est aujourd'hui la menace de tarifs douaniers sur le secteur automobile qui préoccupe l'Allemagne, plus qu'aucun autre pays européen.

Emmanuel Macron

La relation avec le président français semble avoir été définie pendant les 29 secondes de leur virile poignée de main, lors de leur première rencontre en 2017. Prenant le contre-pied de nombreux Européens, le Français a multiplié les honneurs et les amabilités envers le président des États-Unis, par pragmatisme.

Sa visite d'État à Washington en avril visait à afficher cette complicité... jusqu'au ridicule, quand le milliardaire a épousseté une pellicule, peut-être imaginaire, de la veste de son invité. Le pari n'a pas porté ses fruits sur l'Iran, le climat ou les tarifs douaniers, et son entourage a prévenu qu'il ne craignait désormais plus d'« isoler » Washington, lors du G7.

Shinzo Abe

La relation avec Shinzo Abe est plus intime encore qu'avec Emmanuel Macron : le premier ministre japonais fut le premier dirigeant étranger à rendre visite au milliardaire après son élection, à la Trump Tower. Il s'est rendu dans la résidence de M. Trump en Floride, à Mar-a-Lago, et ils ont joué au golf ensemble. Mais le Japon n'a pas été épargné par les tarifs douaniers imposés par les États-Unis. Shinzo Abe se démène pour ne pas être marginalisé et défendre les intérêts japonais dans les négociations que Donald Trump mène avec la Corée du Nord.

Source: Agence France-Presse

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