Le sort réservé à la science par le gouvernement fédéral a été éclipsé mardi par l'accent mis par le ministre des Finances Bill Morneau sur l'égalité des sexes. Il mérite pourtant qu'on s'y attarde. Les enjeux sont importants et les nouvelles, pour une fois, sont bonnes.

Rappelons d'abord qu'il y avait un rattrapage majeur à faire. La communauté scientifique a connu, sous Stephen Harper, des années de vaches maigres pour ce qui est du financement de la recherche fondamentale.

Un important rapport* publié l'an dernier a confirmé ce que tout le monde craignait :  le Canada était devenu un cancre. Il ne se retrouvait même plus parmi les 30 pays qui, dans le monde, « investissent le plus dans la recherche ».

Lorsqu'on a mesuré les fonds disponibles par chercheur, on a constaté une baisse considérable de 35 % par rapport aux sommes de 2007-2008. Le secteur de la recherche fondamentale, cruciale, mais boudée par le gouvernement de Stephen Harper, en arrachait. La proportion de chercheurs qui s'y consacraient au pays aurait d'ailleurs diminué entre 2006 et 2015, selon un sondage publié l'an dernier dans la revue Nature. Gênant. Et préoccupant.

Depuis deux ans, le gouvernement de Justin Trudeau semblait partager ces inquiétudes, mais n'avait pas encore fait d'investissements majeurs pour renverser la vapeur. Ça vient de changer. Il était temps.

Ottawa a annoncé mardi l'investissement de plus de 3,8 milliards de dollars en recherche sur cinq ans, dont la part du lion ira à la recherche fondamentale, tant pour soutenir les chercheurs que pour financer leurs installations.

Ce n'est pas autant que ce qui était réclamé par le Comité consultatif sur l'examen du soutien fédéral à la science fondamentale, qui a rédigé le rapport remarqué publié l'an dernier. C'est néanmoins substantiel.

Quand le ministre Bill Morneau affirme qu'Ottawa vient de faire « des investissements historiques dans la science », c'est grandiloquent, mais ce n'est pas une supercherie.

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Pourquoi est-ce si important d'investir en recherche fondamentale ? On peut aisément la résumer en prenant un exemple frappant, celui de l'intelligence artificielle. Ce sont les investissements faits au cours des dernières décennies qui ont permis à ce domaine, au pays, de connaître les développements que l'on sait. Ceux qui, aujourd'hui, intéressent tant les entreprises.

Dans le domaine spécifique de l'intelligence artificielle, on remarque d'ailleurs qu'une somme de 572,5 millions a été annoncée lors du budget pour soutenir « l'infrastructure de recherche numérique ». On présume que les chercheurs montréalais en profiteront.

Ces sommes importantes réservées à la recherche fondamentale s'ajoutent à celles injectées l'an dernier pour créer cinq « supergrappes », visant à créer des liens entre les travaux des chercheurs et l'industrie, de façon à stimuler le développement économique. Rappelons que celle qui est consacrée à l'intelligence artificielle se trouve à Montréal. La mairesse Valérie Plante y a fait référence hier en affirmant que « l'appui à l'innovation » annoncé par Ottawa mardi « confirme une tendance intéressante ».

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Le Comité consultatif sur l'examen du soutien fédéral à la science fondamentale avait mis Ottawa en garde, signalant qu'on assistait à « l'érosion de la compétitivité du Canada en matière de recherche ». Le ministre Bill Morneau tente visiblement de freiner cette érosion et d'inverser la tendance.

Son pari est un investissement à long terme. L'avenir nous dira si, en fin de compte, c'est un vif succès ou pas. Mais il reste que miser sur la recherche et l'innovation, alors que nous sommes en plein virage vers une économie numérique, est un pari gagnant.

*Investir dans l'avenir du Canada, rapport du Comité consultatif sur l'examen du soutien fédéral à la science fondamentale, dirigé par David Naylor.

Investissements en recherche fondamentale

• 1,2 milliard aux trois conseils qui subventionnent le travail des chercheurs au pays.

• 763 millions à la Fondation canadienne pour l'innovation (incluant 160 millions pour les installations de recherche).

• 572,5 millions pour l'infrastructure de recherche numérique.

• 210 millions pour le programme des chaires de recherche du Canada.

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