« Mal », « contre-productif » et « cruel ».

Barack Obama voit rouge. Il est sorti cette semaine de sa réserve habituelle pour dénoncer, sur son compte Facebook, la fin annoncée du programme par lequel la situation de 800 000 jeunes immigrés clandestins avait été régularisée.

On ne lui reprochera certainement pas d'avoir pris part à ce débat tant l'enjeu est de taille. D'autant plus qu'il est celui qui a mis en place le programme en question, en 2012.

Contexte : cette année-là, le président démocrate a offert la possibilité aux jeunes clandestins arrivés aux États-Unis avant 16 ans de recevoir, sous certaines conditions, un permis de séjour de deux ans, renouvelable. Les membres du Congrès avaient auparavant tenté, pendant plus d'une décennie, d'adopter un projet de loi à ce sujet (baptisé le Dream Act, d'où provient le surnom de ces migrants : « Dreamers »). En vain.

Lorsque le président démocrate a signé un décret pour officialiser ce programme, les deux tiers des Américains étaient en faveur d'une telle mesure. Aujourd'hui, 76 % des Américains pensent que les « Dreamers » devraient pouvoir demeurer aux États-Unis. Selon un sondage effectué fin août/début septembre pour Politico, uniquement 15 % des Américains souhaitent que ces migrants soient expulsés.

Le soutien de l'opinion publique à leur égard n'est pas étonnant. C'est une question de justice.

Ces jeunes faisaient les frais, pour la plupart, d'une décision de leurs parents sur laquelle ils n'ont eu aucun contrôle. Par ailleurs, les expulser aurait signifié, dans bon nombre de cas, les envoyer vers un pays dans lequel ils n'ont pas vécu très longtemps. Et dont ils ne parlent pas nécessairement la langue.

Ces « Dreamers », au fil des ans, sont incontestablement devenus des Américains.

Donc, oui, la décision de Donald Trump est mauvaise, contre-productive (l'expulsion des « Dreamers » priverait l'économie de 460 milliards en 10 ans, selon une analyse) et cruelle. D'autant plus que pour obtenir leur permis de séjour temporaire, ces migrants ont dû sortir de la clandestinité. Ils ont donné leurs coordonnées au gouvernement américain... qui pourra s'en servir pour les expulser plus aisément !

Et le président, tel un pervers narcissique, n'est même pas capable d'assumer sa décision. Au cours des 48 dernières heures, il a continué de dire qu'il avait un « grand amour » pour les « Dreamers ». Quelle hypocrisie !

Techniquement, il n'a pas fermé la porte à un nouveau programme visant à régulariser la situation de ces jeunes. Il a renvoyé la balle dans le camp des membres du Congrès américain, leur donnant six mois pour légiférer dans ce dossier. Après cette échéance, le programme sera aboli.

Mais le pari du président Trump et de ses stratèges est machiavélique. Ils savent très bien que les membres du Congrès ont très peu de chances de s'entendre et de protéger les « Dreamers ».

Le journaliste américain Josh Marshall a eu recours à une très bonne analogie pour expliquer cette stratégie. C'est comme si Donald Trump poussait les « Dreamers » du haut d'un avion qui vole à 3000 m d'altitude. Ce faisant, il hurle pour leur faire savoir qu'il espère qu'ils ont un parachute... ou que les dirigeants du Congrès pourront leur en trouver un rapidement.

Avis au président : tenter de camoufler sa cruauté sous un vernis de compassion permet possiblement de manipuler une partie de la population, mais c'est d'une perfidie désolante.



En chiffres

76 %

Américains qui pensent que les dreamers devraient pouvoir rester au pays et devenir citoyens ou résidants s'ils se conforment à certains critères

15 %

Américains qui pensent que les dreamers devraient être déportés

26 %

Électeurs de Trump qui pensent que les dreamers devraient être déportés

Source : Politico

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