C'est navrant, mais Donald Trump ne nous laisse pas le choix : il est nécessaire de parler de lui dans la foulée de l'attaque terroriste barbare commise à Londres.

Plus précisément de sa réaction, aussi démagogique que déplacée.

On ne peut l'ignorer, d'abord, parce qu'il a tenté de tirer profit de la tragédie à des fins politiques. Sur Twitter, dès après l'attaque, il a fait l'éloge de son décret sur l'immigration. Simplement insensible ou carrément indécent? On vous laisse trancher.

«Nous avons besoin que les tribunaux nous rendent nos droits», a-t-il ajouté. Il est furieux car plusieurs juges ont bloqué les deux versions de son décret visant à empêcher les ressortissants de six pays musulmans d'entrer aux États-Unis. Ils ont souligné que l'initiative a plus à voir avec la discrimination qu'avec la sécurité nationale.

Après l'attaque, Donald Trump a aussi, de façon sarcastique, raillé ceux qui militent pour le contrôle des armes à feu. «Avez-vous remarqué qu'on n'a pas de débat sur le port d'armes? C'est parce qu'ils ont utilisé des couteaux et un camion!», a-t-il tweeté.

Il est vrai que les terroristes n'ont pas besoin d'armes à feu pour semer la mort et le chaos. On peut malgré tout présumer que si ceux qui ont frappé Londres avaient été armés de kalachnikovs, comme à Paris en novembre 2015, le carnage aurait été encore plus effroyable.

Mais les idéologues comme Donald Trump ne tiennent pas compte des faits qui remettent leurs idées en question. Il nous le prouve plusieurs fois par semaine.

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Attendez, ce n'est pas tout. Le président américain a également attaqué le maire de Londres, Sadiq Khan, de façon odieuse. En déformant ses propos.

«Au moins 7 morts et 48 blessés dans un attentat terroriste et le maire de Londres dit qu'il n'y a "pas de raison d'être alarmés!"», a tweeté Donald Trump.

C'est vrai, le maire de Londres a utilisé ces mots. Mais, mis dans leur contexte, le sens est complètement différent. Il faisait référence à la multiplication des membres des forces de l'ordre dans les rues. «Les Londoniens verront, aujourd'hui et au cours des prochains jours, une présence policière accrue. Il n'y a pas de raison d'être alarmés. Une des choses que la police et que nous tous devons faire est de nous assurer que nous soyons aussi en sécurité que possible», a-t-il dit.

Sadiq Khan est devenu le premier maire musulman de Londres il y a à peine plus d'un an. Sa victoire met à mal les thèses de ceux qui, comme le président américain, voient en notre ère celle d'un choc des civilisations entre le monde musulman et l'Occident.

Donald Trump, qui a récemment courtisé l'Arabie saoudite en oubliant qu'elle finance la promotion de l'islamisme radical, n'a pas de leçons à donner au maire de Londres. Plutôt que de roucouler avec les élites saoudiennes, il aurait avantage à écouter Sadiq Khan.

Ce dernier répète qu'il faut à la fois augmenter et améliorer la sécurité (il a notamment déployé l'an dernier à Londres 400 policiers armés de plus), mais aussi lutter contre «les conditions sous-jacentes qui permettent à l'extrémisme et à la radicalisation de prendre racine».

«En tant que maire, je vais accroître l'intégration et lutter contre la ségrégation sociale qui permet aux extrémistes de prendre pour proie les jeunes de Londres», a-t-il entre autres promis, dans un discours prononcé quelques semaines avant d'être élu.

Il encourage par ailleurs la majorité des musulmans à «dénoncer» les extrémistes. Parce que, selon lui, ces musulmans sont les plus efficaces pour «contester» cette «idéologie toxique».

Conclusion : en matière de lutte contre le terrorisme, un maire lucide vient d'être dénoncé par un président démagogue - celui de la première puissance mondiale. Vous nous permettrez de pousser un soupir de découragement.

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