Démocrature.

Ce néologisme est un mot-valise qui combine les mots démocratie et dictature. On l'utilise généralement pour désigner des pays où la démocratie est truquée.

Dans le cas de la Turquie, le mot est, ces jours-ci, on ne peut plus approprié. Le pays « glisse vers la dictature », prévient d'ailleurs le magazine The Economist à la Une de sa plus récente édition.

Et la situation n'ira probablement pas en s'améliorant si le président Recep Tayyip Erdogan gagne son pari dimanche.

Les électeurs turcs sont invités à participer à un référendum historique qui vise à doper la puissance de la présidence.

Dix-huit amendements à la Constitution du pays sont proposés. Parmi les changements prévus : le poste de premier ministre - qui est l'actuel chef du gouvernement - serait éliminé et ses pouvoirs seraient octroyés au président. Incluant celui de nommer les ministres.

Le président obtiendrait aussi de nouveaux privilèges dans des secteurs névralgiques comme la justice (il pourra entre autres nommer 12 des 15 juges de la Cour constitutionnelle, plus haut tribunal du pays) et la sécurité nationale.

Recep Tayyip Erdogan n'est pas certain de remporter son pari référendaire. Alors, en campagne, il fouette l'ardeur nationaliste de ses citoyens. À coups d'insultes et de déclarations démagogiques à l'égard des Européens. Il a notamment accusé la chancelière allemande Angela Merkel de « pratiques nazies ». Son prétexte : l'Allemagne a refusé de laisser des ministres turcs faire campagne pour le oui sur son territoire. Tout comme les Pays-Bas, d'ailleurs.

La semaine dernière, le président turc en a rajouté une couche. L'Europe est « le centre du nazisme », a-t-il honteusement affirmé. Il a soutenu qu'un oui au référendum serait « une réponse aux petits-enfants du nazisme ». Des propos aussi démagogiques qu'irresponsables.

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Un journaliste de l'Agence France-Presse a fait état récemment d'une caricature qui donne une bonne idée de l'état d'esprit des Turcs à l'approche du référendum historique.

Sur le dessin, un homme demande à une femme si elle veut l'épouser, lui offrant une bague de fiançailles. Celle-ci répond « non ».

La réplique de l'homme ? Il dit qu'il va dénoncer cette femme.

Car en cette période référendaire, dire non est presque tabou en Turquie.

Connaissant l'ardeur avec laquelle le président turc lutte dorénavant contre ses opposants - et le sort qu'il leur réserve -, affirmer publiquement qu'on votera non à ce référendum peut être perçu comme un crime de lèse-majesté.

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Ainsi va, hélas, la Turquie de Recep Tayyip Erdogan.

Président depuis 2014, il a auparavant été premier ministre pendant plus de 10 ans. Visiblement, la longévité ne se traduit pas pour lui par plus de sagesse, mais bien par un ego démesuré et des dérives plus fréquentes. Il se comporte souvent comme un Vladimir Poutine à la sauce turque.

Un oui au référendum n'aurait donc rien de rassurant ni pour les Européens ni pour les Turcs. Car ce président, à qui le pouvoir est visiblement monté à la tête, pourra encore plus qu'auparavant n'en faire qu'à sa tête.

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