Donald Trump a le sens du spectacle. Avant le début de sa conférence de presse, mercredi, des piles de documents avaient été posées sur une table, située tout près de son lutrin.

Tout le monde se demandait ce qu'ils contenaient.

Le président désigné a d'abord répondu aux questions les plus pressantes des journalistes. Puis, il a mis fin au suspense et expliqué de quoi il s'agissait. «Ce sont simplement certains des nombreux documents que j'ai signés afin de remettre le contrôle entier et complet [de l'empire Trump] à mes fils.»

Une avocate a ensuite offert les détails des mesures prises pour encadrer les conflits d'intérêts potentiels auxquels s'expose le milliardaire devenu politicien.

Donald Trump demeure le propriétaire de son entreprise. Ses deux fils, ainsi qu'un de ses fidèles lieutenants, la dirigeront temporairement.

«Ils ne m'en parleront pas», a-t-il promis. Ce qui en a fait, avec raison, sourciller plus d'un.

Il n'y aura pas de nouveaux contrats signés entre son entreprise et des partenaires étrangers. Quant aux contrats potentiels sur le sol américain, le président désigné nommera un conseiller à l'éthique qui les examinera. Pour ce qui est des profits générés par les séjours des représentants des gouvernements étrangers dans ses hôtels, ils seront remis à l'État.

Le politicien républicain cherchait visiblement à convaincre ses citoyens qu'il fait tout ce qui est en son pouvoir pour éviter les conflits d'intérêts. Mais dans les faits, il est en train de les entourlouper.

Faire de tels gestes, selon la majorité des experts en la matière, c'est jeter de la poudre aux yeux. Si Donald Trump voulait vraiment éviter les conflits potentiels entre ses nouvelles fonctions et ses intérêts personnels, il aurait dû vendre ses actifs. Ou, à tout le moins, les placer dans une fiducie sans droit de regard, gérée par un gestionnaire indépendant.

C'est ce que les présidents font systématiquement depuis plusieurs décennies lorsque leurs actifs sont susceptibles de les mettre en situation de conflits d'intérêts. Même si, il est vrai, les lois fédérales sur les conflits d'intérêts ne s'appliquent pas aux présidents.

Jimmy Carter avait initialement refusé de se séparer de sa ferme de cacahuètes. Il a fini par créer une fiducie sans droit de regard pour éviter les scandales. La ferme de ce président démocrate ne pesait pourtant pas lourd si on la compare à l'entreprise de Donald Trump...

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Aux États-Unis, un des experts qui critiquent avec le plus de vigueur la décision de Donald Trump est un avocat républicain qui travaillait à la Maison-Blanche sous George W. Bush, Richard Painter. Il estime que les périls potentiels sont nombreux pour le prochain président et, par conséquent, pour les Américains.

«J'espère que nous n'aurons pas de crise internationale dans un pays où il a investi beaucoup d'argent. Si la Turquie ou la Russie s'impliquent dans des combats, on ne doit pas en venir à la question : qu'arrivera-t-il à mon hôtel?» a-t-il déclaré à un journaliste du magazine Forbes.

Même sans crise internationale, il est évident que nations et individus chercheront des moyens d'influencer les décisions de Donald Trump. Ce dernier en a d'ailleurs fourni une preuve incontestable lors de sa conférence de presse. Il a soutenu qu'un milliardaire des Émirats arabes unis (Hussain Sajwani) venait de lui faire miroiter un contrat de deux milliards de dollars. Fort heureusement, le président désigné aurait décliné l'offre.

Les auteurs de la Constitution américaine avaient prévu qu'on tenterait de corrompre le président.

C'est pourquoi ils ont rédigé une clause selon laquelle le chef de l'État américain ne peut pas accepter de «cadeaux ou émoluments» de la part d'un «roi, prince ou État étranger». Sachant que l'empire de Donald Trump a des liens financiers avec quelque 500 sociétés dans une vingtaine de pays, on peut présumer que cela risque de poser problème.

Donald Trump sera-t-il avant tout, en tout temps, le gardien des intérêts de ses citoyens? Ceux de son entreprise prendront-ils parfois le dessus? On peut encore, légitimement, se le demander. Et c'est regrettable.

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