Tout ça pour ça !

Quatre ans de négociations, un accord de paix historique de 297 pages avec six points principaux en litige enfin réglés... Tout ça vient d'être rejeté par une majorité d'électeurs colombiens.

Ils ont, dimanche, dit non à l'entente de paix avec la guérilla marxiste des FARC (les Forces armées révolutionnaires de Colombie).

L'objectif, rappelons-le, était d'enfin résoudre un conflit de 52 ans qui a fait quelque 260 000 morts, 45 000 disparus et 6,9 millions de déplacés. Un bilan si tragique qu'on a beau le coucher sur papier, on a tout de même du mal à en prendre la mesure.

L'espoir et l'enthousiasme par rapport à cet accord étaient, avec raison, palpables à l'intérieur comme à l'extérieur de ce pays d'Amérique du Sud - Ottawa avait même annoncé l'octroi de 57 millions de dollars « pour l'après-conflit ».

Que s'est-il donc passé pour que ces rêves de paix soient douchés en moins de 24 heures ?

Les opposants à l'accord, avec à leur tête l'ancien président Alvaro Uribe, le décriaient car ils estimaient qu'un « Oui » était un vote pour l'impunité.

C'est que l'entente prévoyait la mise en place d'une commission vérité réconciliation. Les membres des FARC qui auraient refusé d'admettre leurs crimes étaient passibles de peines de prison. Ceux qui passaient aux aveux auraient bénéficié, en échange, de peines moins lourdes : divers travaux effectués dans les communautés touchées par leurs exactions. Une « réparation matérielle » était également prévue pour les victimes.

Par ailleurs, comme les guérilleros acceptaient de déposer des armes, les autorités colombiennes voulaient leur permettre de former un parti politique légal.

L'écrivain et journaliste Héctor Abad Faciolince, dont le père a été assassiné à la fin des années 80, est l'un de ceux qui ont le mieux résumé le pari que représentait une telle entente. « Un pays où ceux qui t'ont enlevé sont libres et font de la politique, n'est-ce pas mieux que ce même pays où ces types se trouvent près de ta ferme, menacent tes fils, mes neveux, et tes petits-enfants ? », a-t-il écrit.

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Le rejet de l'accord semble aussi s'expliquer par le faible taux de participation au référendum. Les sondages indiquaient qu'une majorité de Colombiens soutenaient l'entente. Mais bon nombre de ces citoyens sont visiblement restés à la maison le jour du scrutin.

Le taux d'abstention a atteint 62 %.

Ce sont donc uniquement 6,4 millions d'électeurs qui ont dit non, contre 6,3 millions, sur quelque 35 millions. Moins de 100 000 électeurs ont fait la différence. Le camp du Oui a eu d'autant plus de mal à mobiliser les électeurs que son chef de file, l'actuel président Juan Manuel Santos, est au plus bas dans les sondages.

Résultat : la Colombie est aujourd'hui, malheureusement, un pays coupé en deux, en pleine incertitude quant aux espoirs de paix.

Ni le président actuel ni le leader des FARC, Timoleon Jiménez, ne jettent toutefois l'éponge. Ce dernier disait d'ailleurs hier être prêt à « rectifier » l'entente. C'est crucial. Tout comme sera cruciale la bonne volonté des opposants à cet accord. Au nom de la paix, ils devront contribuer à la recherche d'un compromis.

Car voir tous les efforts déployés ces dernières années être anéantis par ce scrutin serait désastreux.

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