Le chanteur canadien Justin Bieber vient de montrer ses fesses une deuxième fois en l'espace d'un an sur le réseau social Instagram, soulevant un émoi certain.

La première fois, c'était l'été dernier. On le voyait, de dos, devant la mer, à Bora Bora. Des millions de personnes ont « aimé » cette photo, que le jeune homme a ensuite retirée, présentant ses excuses, car la fille d'un de ses proches avait été « embarrassée ».

Pourquoi Justin Bieber récidive-t-il ? Poser la question, c'est y répondre. Un réseau social comme Instagram se nourrit de ce genre de photos. Facebook et Twitter ne sont pas différents à ce chapitre.

Ces réseaux nous aident à satisfaire nos pulsions narcissiques comme jamais auparavant. Et ils favorisent la publication de textes et de photos sensationnalistes ou controversées (mais pas trop, bien sûr, afin d'éviter la censure).

L'ADN de ces réseaux, c'est d'abord ça, même si on nous avait jadis promis mer et monde quant à leur impact bénéfique sur nos vies. Ils ont révolutionné notre façon de communiquer, c'est indéniable. Mais il ne faudrait surtout pas oublier qu'ils ont aussi bien des défauts. Qu'ils demeurent, souvent, des lieux d'échanges superficiels.

« Loin des idéaux révolutionnaires de leurs débuts, Twitter et Facebook sont surtout utilisés pour renforcer la popularité d'une élite obsédée par son image et sa réussite », a déjà écrit, avec justesse, Alice Marwick, spécialiste des réseaux sociaux qui enseigne dans l'État de New York.

Rappelez-vous qu'il y a cinq ans, certains utilisaient l'expression « révolutions Facebook » pour parler des soulèvements contre les régimes autoritaires du monde arabe. Pas plus tard que l'an dernier, le grand patron de l'entreprise, Mark Zuckerberg, répétait qu'il ne laisserait « jamais un État ou un groupe de personnes imposer ce que les internautes peuvent partager ».

On sait maintenant que c'est archifaux. Que Facebook n'hésite plus à retirer, de nos jours, des contenus qui dérangent les autorités de certains pays. En Turquie, en Inde et au Pakistan, notamment, le réseau censure fréquemment ses usagers à la demande de l'État.

Les réseaux sociaux continuent néanmoins de donner une voix à certains acteurs qui avaient autrefois du mal à se faire entendre.

Mais on constate aussi aujourd'hui que les réseaux sociaux nous enferment trop souvent dans une « bulle idéologique » qui nous empêche d'avoir accès aux idées de gens qui ne pensent pas comme nous.

Les Américains qui estiment que Donald Trump est fantastique, par exemple, ont de bonnes chances de retrouver sur leurs fils Facebook presque exclusivement des propos élogieux à son sujet, en raison de l'algorithme mis au point par l'entreprise. Celle-ci accentue donc la polarisation dans nos sociétés.

À bien y penser, il y a du bon dans le fait que Justin Bieber nous remontre ses fesses sur Instagram dans le but d'être aimé encore un peu plus. Ça nous permet de ne pas perdre de vue les limites des réseaux sociaux quant à leur impact sur nos débats publics et sur les progrès de la liberté et de la démocratie aux quatre coins du monde. Et ça nous invite à éviter, à leur sujet, de faire preuve de trop d'idéalisme.

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