« Le lunch, c'est pour les mauviettes ! »

C'est ce que Gordon Gekko, courtier cupide et sans scrupules incarné au grand écran par Michael Douglas, s'exclamait dans le film Wall Street à la fin des années 80.

Quelque 30 ans plus tard, la déclaration est brûlante d'actualité. Elle a été citée par le New York Times récemment dans un article où on déplorait le fait que luncher devant son écran, au travail, n'est plus l'exception. C'est la règle.

Aux États-Unis, deux travailleurs sur trois mangent souvent leur lunch les yeux rivés sur leur ordinateur. Tout porte à croire que cette tendance est en train, ici aussi, de devenir un rituel.

Il s'agit pour certains d'une façon de terminer plus tôt, pour aller chercher les enfants à la garderie ou à l'école, par exemple. Pour d'autres, c'est carrément du zèle. Un peu comme répondre à une série de courriels liés au travail avant d'aller au lit. Il est facile de se sentir coupable si on ne mange pas à son bureau alors que tous nos voisins le font.

C'est préoccupant pour plusieurs raisons. Et pas seulement parce qu'il met à mal l'aspect social du repas du midi.

D'abord, ce nouveau mode de vie peut favoriser le surpoids. Certaines recherches ont démontré que si on est seul, on mangera généralement moins que si on est en groupe. D'autres ont cependant prouvé que moins on est conscient de ce qu'on mange - entre autres si on est devant un écran ou qu'on écoute la radio -, plus on est susceptible de consommer de nourriture.

Ces mêmes recherches démontrent qu'il y a un autre avantage à ne pas se laisser distraire en mangeant. Ceux qui se souviennent de ce qu'ils ont mangé (et par conséquent s'estiment repus et satisfaits) auront tendance à prendre des portions plus petites lors de leur prochain repas.

Par ailleurs, on en connaît maintenant plus sur les dangers de la sédentarité. Un résumé d'études à ce sujet a fait grand bruit l'an dernier. On y apprend qu'être assis de trop longues heures à son bureau favorise l'apparition de nombreuses maladies et se traduit par une réduction de l'espérance de vie. « La sédentarité tue plus que le tabac », a déjà déclaré le cardiologue François Carré, spécialiste de la question.

Note aux employeurs : vous avez tout avantage à favoriser ce changement d'attitude chez vos travailleurs.

Le chercheur Brian Wansink (lui aussi cité par le New York Times) a prouvé que les employés qui mangent ensemble coopèrent ensuite mieux sur leur lieu de travail et apprécient plus leur emploi. Sans compter qu'on a aussi découvert que la sédentarité nuit à la productivité.

Il est donc primordial de freiner cette tendance. Permettez-nous une suggestion : entre une semaine pour un Québec sans tabac et une semaine de promotion de la santé mentale, pourquoi ne pas souligner de façon officielle l'importance de luncher entre collègues, ailleurs que devant un écran ?

La balle est néanmoins, avant tout, dans votre camp. Prenez rendez-vous dès maintenant avec vos collègues. Et faites cette semaine un pied de nez aux Gordon Gekko de ce monde.

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