Le Moyen-Orient est l'équivalent d'un baril de poudre sur lequel plusieurs mèches ont été posées et allumées ces dernières années. L'Arabie saoudite vient d'en faire flamber une de plus.

On a du mal à imaginer pire façon de commencer l'année dans la région : samedi, les autorités saoudiennes (sunnites) ont exécuté le cheikh chiite Nimr Baqer al-Nimr. Elles avaient notamment condamné ce dissident pour « terrorisme » et « désobéissance au souverain ».

Depuis, il fallait s'y attendre, c'est l'escalade. Tout particulièrement avec l'Iran. Parce que ce pays est l'autre grande puissance de ce coin du globe - donc le grand rival des Saoudiens - et parce que 90 % de ses habitants sont chiites.

L'ambassade saoudienne en Iran a été attaquée par des manifestants, dans la nuit de samedi à dimanche. Moins de 24 heures plus tard, en guise de représailles, l'Arabie saoudite rompait ses relations avec le pays. Malgré des tensions constantes, c'est la première fois depuis 1991 que les deux nations coupent les ponts de cette façon.

Le régime saoudien est pourtant bien mal placé pour se vexer.

Le pyromane, dans ce nouvel acte du drame qui se joue dans la région, c'est lui.

L'exécution de Nimr Baqer al-Nimr peut être vue comme un avertissement à l'égard des dissidents qui seraient tentés de défier ouvertement le régime saoudien. Mais il s'agit aussi - et surtout - d'un désir d'en découdre avec l'Iran. D'un geste provocateur.

Ce pays a été, il y a quelques années, qualifié de « serpent » dont il faut « couper la tête » par l'ancien roi Abdallah Ben Abdelaziz Al-Saoud. Or, l'Iran obsède aujourd'hui encore un peu plus les Saoudiens. Ils n'ont visiblement pas encore digéré le rapprochement entre les Iraniens et les grandes puissances occidentales, officialisé en juillet dernier lors de l'accord sur le nucléaire.

La hache de guerre vient donc d'être déterrée. Et si on ne trouve pas un moyen de convaincre les deux pays de désamorcer ce conflit au plus vite, l'impact pourrait rapidement se faire sentir sur le terrain ailleurs dans la région.

À commencer par la Syrie. Ce n'est pas un hasard si l'ONU a fait savoir hier que son médiateur dans ce pays, Staffan de Mistura, se rendra cette semaine à la fois en Arabie saoudite et en Iran. Les deux pays s'affrontent en sol syrien : l'un soutient le régime et l'autre arme et finance des rebelles. Il sera impossible, sans un rapprochement, d'envisager des solutions crédibles pour mettre fin à cette odieuse guerre civile.

Par ailleurs, le litige n'augure rien de bon pour l'Irak, où les tensions entre chiites et sunnites minent les espoirs d'une véritable réconciliation nationale. Et il ne peut que nuire à la lutte contre les djihadistes du groupe État islamique, dans laquelle le Canada, avec raison, est engagé.

Le plus triste dans tout ça, c'est que ce nouvel affront saoudien ne surprend même pas. Les pays occidentaux ont trop longtemps toléré les écarts de conduite de cette pétromonarchie, si bien qu'elle se croit dorénavant tout permis. Cette indulgence à l'égard du régime saoudien a assez duré.

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