Alors que s'amorce la nouvelle année, nos éditorialistes font quatre souhaits qu'ils aimeraient voir se réaliser en 2018.

Prendre au sérieux les agressions sexuelles 

Les victimes de crimes sexuels vivent souvent deux traumatismes : l'agression, puis le calvaire du système de justice. Selon Statistique Canada, de 2009 à 2014, seule une infime minorité de victimes (5 %) a déposé une plainte. Puis une minorité de ces plaintes (43 %) a mené à des accusations, et une minorité de ces dossiers s'est terminée par une condamnation (12 %). 

C'est le bâtonnier du Québec lui-même qui le dit : le système de justice est mal adapté à ces crimes. Ils se déroulent sans témoin et l'absence de consentement doit être prouvée hors de tout doute raisonnable. La preuve est pénible à faire. 

L'année 2017 a marqué une prise de conscience face à ce problème. Par exemple, la Sûreté du Québec a lancé un projet-pilote pour que les plaintes soient examinées avec des groupes de défense des victimes, afin de s'assurer de leur bon traitement. Il faudra toutefois attendre 2019 pour obtenir les résultats du projet. D'ici là, espérons que d'autres corps policiers, comme celui de la ville de Montréal, s'inspireront de ce projet qui a fait ses preuves à Philadelphie. Et espérons aussi que le traitement de ces plaintes sera dorénavant fait partout par des enquêteurs et enquêteuses spécialisés. Car pour l'instant, notre système de justice reste inadapté pour celles et ceux qui en ont tant besoin.

- Paul Journet

Un nouvel ALENA 

Le Canada, les États-Unis et le Mexique ont beau s'être entendus pour renégocier l'Accord de libre-échange nord-américain jusqu'à la fin mars, leurs positions sont tellement distantes qu'il est loin d'être certain qu'ils parviennent à s'entendre d'ici là. Il le faudrait, pourtant, car l'incertitude qui pèse sur les conditions d'accès au marché américain n'aide en rien au développement des exportations. Si les entreprises québécoises se mettent à produire, et à embaucher, chez nos voisins du Sud plutôt qu'ici pour éviter d'être taxées à la frontière, on ne sera pas plus avancés. En même temps, comme on le dit dans la langue de Donald Trump : « Prenez garde à ce que vous souhaitez. » Les concessions demandées par les États-Unis sont tellement énormes que le statu quo actuel est de loin préférable. Le problème, c'est qu'il n'est pas garanti : tant que les trois partenaires ne se seront pas entendus sur les clauses de cet accord « modernisé » réclamé par Washington, il y aura toujours un risque que le président Trump mette ses menaces à exécution et annonce le retrait unilatéral des États-Unis - un coup d'éclat qui nous plongerait dans une incertitude pire encore. Donc oui, un nouvel accord, mais dans lequel le Canada trouve son compte.

- Ariane Krol

Davantage de bonnes nouvelles dans le monde 

Il y en a eu quelques-unes cette année, c'est vrai. En France, par exemple, Emmanuel Macron a réussi à empêcher Marine Le Pen d'accéder à la présidence française. Mais dans l'ensemble, on retiendra surtout que 2017 n'a rien fait pour nous rassurer sur l'état du monde. Des tueries chez nos voisins du Sud aux tensions qui s'intensifient au Moyen-Orient, en passant par les massacres de Rohingya en Birmanie, alors qu'on avait pourtant dit au sujet de ces horreurs innommables : plus jamais ça... Sans compter les catastrophes naturelles, qui nous rappellent que l'urgence d'agir contre les changements climatiques est inversement proportionnelle à la détermination de nombreux politiciens. Et ces quelques exemples ne forment que la pointe de l'iceberg. La peur, l'intolérance, la haine même ne cessent de gagner du terrain à peu près partout dans le monde. Peut-on espérer un certain apaisement pour 2018 ? Désirer que la démocratie et la liberté cessent de reculer et que la tolérance soit de nouveau en vogue. Que certains conflits importants se règlent de façon pacifique, par-dessus tout la crise nucléaire nord-coréenne. Que le virage progressiste de l'Arabie saoudite se poursuive et que Raif Badawi soit libéré. En somme, pour 2018, dans le monde, souhaitons davantage de raisons d'espérer. 

- Alexandre Sirois

Ne pas descendre dans le caniveau 

Les derniers mois ont prouvé que la politique ne se fait pas qu'à l'Assemblée nationale : elle se donne parfois rendez-vous dans le caniveau. Rappelez-vous la publication ordurière de la CAQ : « Couillard et Lisée en faveur du tchador pour les enseignantes dans nos écoles. » Rappelez-vous le PQ qui qualifie les demandeurs d'asile haïtiens d'« invités de Trudeau ». Rappelez-vous le PLQ qui accuse ses adversaires de souffler sur « les braises de l'intolérance » dès qu'ils osent débattre d'immigration. Rien de bien édifiant, rien qui rassure à l'approche des prochaines élections provinciales. Le problème : ces stratégies fonctionnent trop souvent. La CAQ monte dans les sondages en se positionnant comme « la seule » qui « défend nos valeurs », un slogan nauséabond. Le chef du PQ a coiffé son rival Alexandre Cloutier en brandissant l'hypothèse d'un AK-47 dissimulé sous une burqa. Et le gouvernement Couillard s'est senti obligé d'adopter le projet de loi 62 qui interdit l'autobus aux femmes qui demeurent voilées. Souhaitons donc que la surenchère et les incursions racoleuses restent un mauvais souvenir de 2017. Souhaitons-nous plutôt, en 2018, des débats certes virils, mais apaisés. Des débats qui hissent la société vers le haut. 

- François Cardinal

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