C'est le monde à l'envers dans le réseau de la santé: les hôpitaux demandent au gouvernement du Québec d'être financés selon leur rendement. Logiquement, cette réforme aurait dû venir de Québec. Mais ce dossier a été un échec pour nos politiciens, tous partis confondus. Le gouvernement Charest doit obtempérer et instaurer le financement par activité, d'autant plus que le concept récolte l'appui du Parti québécois et de la Coalition avenir Québec.

Au Québec, les hôpitaux sont financés sur une base historique. Le financement est ajusté seulement en fonction du bassin de population. Le problème de ce mode de financement: il n'encourage pas les hôpitaux à devenir plus efficaces et à traiter plus de patients. Au contraire: plus vous êtes efficace, plus vous voyez de patients, plus vous engendrez de dépenses, sauf que votre financement, lui, n'augmente pas.

Dans un rapport publié la semaine dernière, l'Association québécoise des établissements de santé et de services sociaux (AQESSS) demande au gouvernement d'instaurer le financement à l'activité. Le concept ne date pas d'hier. Précurseur, le gouvernement de René Lévesque avait tenté le coup en 1977 avant de battre en retraite. Le financement par activité a été recommandé autant par la commission Clair (2000) que la commission Castonguay (2008), qui concluait que «le patient serait (ainsi) considéré comme une source de revenus, au lieu d'être perçu comme une dépense».

Le ministre Philippe Couillard a introduit le concept de financement à l'activité pour faire augmenter le nombre de chirurgies d'un jour. Actuellement, 0,3% du budget du réseau de la santé du Québec, soit 100 millions, est attribué selon le rendement. La plupart des pays occidentaux, dont l'Angleterre, la France, l'Australie, l'Italie, la Suède, l'Allemagne et le Japon, financent de façon significative leur réseau de santé en fonction du volume d'activité ou du rendement. De l'autre côté de la frontière, l'Ontario amorcera le mois prochain la transition d'un financement historique à un financement basé sur les soins prodigués aux patients.

Quand le Québec rejoindra-t-il le reste du monde occidental en récompensant ses hôpitaux les plus efficaces à l'égard des patients? Le ministre de la Santé Yves Bolduc montre «une certaine ouverture» au financement par activité mais veut s'assurer «d'encourager les bons comportements», selon son attachée de presse. Par exemple, ce serait contre-productif qu'un hôpital remplisse ses urgences au détriment des cliniques sans rendez-vous seulement parce que c'est payant.

L'AQESSS aimerait commencer des projets pilotes sur le financement à l'activité dès l'automne. Aucun mode de financement n'est parfait, prévient-elle. Sans balises, le financement à l'activité pourrait mener à des soins bâclés et à des transferts de patients moins rentables. Il faudra aussi tenir compte de la réalité des régions et des milieux ruraux. Ces risques peuvent toutefois être évités si la réforme est (enfin) menée avec diligence.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion