Les Européens au chômage en raison des mesures d'austérité de leurs gouvernements n'en reviendraient pas: un pays en bonne santé financière comme le Canada qui prépare des coupes budgétaires au nom de la lutte au déficit!

C'est pourtant le plan du ministre fédéral des Finances Jim Flaherty. Deux scénarios sont à l'étude en vue du budget: couper 5% ou 10% du budget d'opération de 80 milliards des ministères, soit quatre ou huit milliards par année. En réduisant la taille du gouvernement, Ottawa veut respecter une promesse électorale (on parlait alors de 5%) mais aussi réduire le déficit plus tôt que prévu.

Les agences de notation Moody's et Fitch s'inquiètent des conséquences de ces coupes budgétaires sur l'économie canadienne, qui montre des signes de ralentissement. D'autant plus que les finances publiques du Canada sont les plus solides du G8. Il n'y a pas péril en la demeure comme en Europe, où plusieurs pays ont adopté des mesures d'austérité de façon imposée (sans plan de sauvetage, la Grèce, le Portugal et l'Irlande n'auraient pas pu payer leurs emprunts) ou volontaire (Espagne, Italie, Grande-Bretagne) pour assainir leurs finances publiques.

L'exemple britannique est frappant. Même si sa dette est moins élevée que celle de la France, la Grande-Bretagne a mis toutes ses énergies à réduire son déficit, gonflant il est vrai. Pour l'instant, les résultats sont mitigés: le déficit a diminué, mais la croissance économique est aussi à la baisse, l'économie récupère moins vite que durant la Grande Dépression, le poids de la dette nette de l'État a augmenté de 68% à 74% du PIB en 2011 et les compressions budgétaires ne font que commencer.

À la défense de Jim Flaherty, le plan d'Ottawa n'a rien à voir avec le remède de cheval adopté par Londres. Selon le scénario choisi, les coupes du gouvernement Harper représenteraient 0,3% ou 0,6% du PIB, comparativement à environ 6% de l'économie pour les mesures d'austérité britanniques en 2016-17.

Le Fonds monétaire international incite à la prudence les gouvernements tentés de sabrer trop vite dans leurs dépenses au nom de la lutte au déficit. «Peser sur les freins trop rapidement va nuire à la reprise économique et aggraver la situation de l'emploi. [...] Bien que les marchés n'aiment pas un seuil d'endettement élevé, ils aiment encore moins une croissance économique faible», écrivait sa directrice générale Christine Lagarde en août.

En période de ralentissement économique, l'austérité est un remède de dernier recours pour sauver les patients dont l'état est critique. En novembre, l'économie a reculé légèrement au Canada et stagné au Québec. Le Canada ne souffrant pas d'endettement excessif, le gouvernement Harper peut se permettre d'attendre le retour d'une croissance économique plus solide avant de faire les coupes budgétaires promises en campagne électorale. D'autant plus que majoritaire, il a plusieurs années devant lui.

Quand on a le luxe d'attendre une éclaircie, on ne choisit pas l'austérité pour l'austérité.

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