Alors que le gouvernement Harper s'apprêterait à faire d'importantes réductions de dépenses, son ministre Maxime Bernier a pris la plume cette semaine dans le National Post pour réfuter les théories économiques de John Maynard Keynes selon lesquelles l'État doit augmenter ses dépenses pour combattre une récession.

Le ministre Bernier a droit à ses opinions, mais ses généralisations à l'emporte-pièce et ses omissions factuelles sont gênantes pour un ministre assigné à un portefeuille économique (Petites entreprises et Tourisme).

Selon Maxime Bernier, la Grande Dépression a pris fin avec la Deuxième Guerre mondiale et non avec le New Deal. Pour justifier son affirmation, Maxime Bernier s'appuie notamment sur une déclaration de Henry Morgenthau, secrétaire au Trésor de l'administration Roosevelt, en 1939: «Nous avons dépensé plus d'argent que jamais auparavant et ça n'a pas marché.» Dans son raccourci intellectuel, Maxime Bernier oublie un détail: Henry Morgenthau a finalement convaincu son patron de couper dans les dépenses gouvernementales en 1937 (-17% du budget en deux ans). Avec comme résultat une nouvelle récession en 1937-38 durant laquelle le taux de chômage est passé de 14,3% à 19,0%.

Autre exemple cité par Maxime Bernier dans sa «leçon» d'économie: la prospérité américaine d'après-guerre aurait commencé après que le gouvernement eut réduit ses dépenses des deux tiers entre 1945 et 1948. Bien sûr que la guerre étant terminée, l'État pouvait reprendre sa taille normale dans l'économie! Malheureusement pour la théorie de Maxime Bernier, le budget fédéral américain est simplement revenu en 1948 au même niveau qu'en 1940. Et le ministre Bernier oublie de mentionner que durant ces trois années de compressions budgétaires, le pays a subi une sévère récession (-12% du PIB entre 1945 et 1948).

Finalement, le ministre Bernier se moque des keynésiens en citant l'exemple du Japon, qui a vu sa dette passer de 68% de son PIB en 1990 à 225% actuellement. «S'il fallait en croire les keynésiens, le Japon serait le pays avec la plus importante croissance économique», écrit-il. Le ministre Bernier prend le problème à l'envers. Si le ratio dette/PIB du Japon a tant augmenté, c'est en raison de déséquilibres sur plusieurs marchés (ex: taux de change, immobilier) qui ont entraîné une croissance économique anémique. Les dépenses gouvernementales (en% du PIB) et le fardeau fiscal ont été moins élevés au Japon qu'au Canada à chaque année depuis 1990. Le Japon a un problème d'endettement, mais ça n'a rien à voir avec Keynes puisque le gouvernement japonais dépense moins que celui dont fait partie Maxime Bernier.

Comme plusieurs des détracteurs de Keynes, Maxime Bernier n'a retenu qu'une partie de ses enseignements. Selon le père de l'interventionnisme, l'État doit augmenter son rôle dans certaines circonstances quand l'économie va mal, pour le réduire graduellement quand elle reprend du mieux. Un exemple récent: le Plan d'action économique du gouvernement Harper. Un peu de rigueur intellectuelle, monsieur le ministre!

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion