Journée de manifestations hier en Grèce: au moins 20 000 personnes ont protesté contre le plan d'austérité que leur gouvernement négocie avec l'Europe. Aussi pénible soit-il pour un pays entamant sa cinquième année de récession, ce plan d'austérité devra éventuellement être accepté par les Grecs.

Pour obtenir un plan de sauvetage - un troisième en trois ans - de 130 milliards d'euros du Fonds monétaire international et de l'Europe, le premier ministre grec Lucas Papademos doit convaincre les partis politiques formant son gouvernement d'adopter un plan d'austérité d'environ 4,4 milliards d'euros. On peut facilement s'imaginer les déchirements des politiciens grecs devant une réduction d'environ 3,7% du budget du gouvernement (ou 1,5% du PIB grec). Imaginez Jean Charest, Pauline Marois et François Legault dans un gouvernement de coalition obligé de réduire les dépenses du Québec de 2,5 milliards de dollars à trois mois des élections...

À court terme, ce dernier plan d'austérité, qui doit réduire la dette de 166% à 120% du PIB en 2020, n'offre rien d'intéressant aux 11 millions de Grecs: baisse de 20% du salaire minimum (de 750 à 600 euros par mois), des coupes de 15 000 emplois dans la fonction publique, la fin des «bonis de vacances» pouvant atteindre jusqu'à deux mois de salaire. Le coup sera d'autant plus dur que les Grecs ont déjà vu leur économie se contracter de 10% depuis deux ans malgré leurs concessions à l'Europe.

«Ce plan n'est pas une négociation», a dénoncé hier un leader syndical. Il a raison: les Grecs ne sont plus dans une situation pour négocier avec l'Europe. Leurs créanciers privés ont accepté de renoncer à 70% de la valeur de leur prêt en échange de ce plan d'austérité et du plan de sauvetage de l'Europe. L'entente doit être entérinée avant la mi-février si la Grèce veut éviter d'être en défaut le 20 mars sur un prêt de 14,5 milliards.

Bien sûr, la Grèce pourrait faire défaut et remettre le plan d'austérité de l'Europe aux calendes... grecques. Mais le pays ne serait pas plus avancé: persona non grata sur les marchés financiers, la Grèce resterait en déficit (même si les intérêts sur sa dette deviennent caducs) et serait obligée de faire ses propres compressions. Dans un scénario comme dans l'autre, la Grèce est condamnée à assainir ses finances publiques. L'Europe préfère de loin qu'elle le fasse sous sa supervision.

En plus du plan d'austérité, les Grecs devront aussi accepter un concept bien connu ailleurs en Europe: payer ses impôts. Dans son livre Boomerang, le journaliste Michael Lewis y découvre un pays culturellement allergique aux impôts. «La première chose qu'un gouvernement faisait durant une année électorale était d'enlever les collecteurs d'impôts du terrain», lui dit un ex-ministre des Finances. «En Grèce, ne pas payer ses impôts est aussi grave que ne pas ouvrir la porte à une femme», ajoute un employé du fisc. Ou bien les Grecs deviennent le peuple le plus galant au monde, ou bien ils commencent à prendre leurs impôts au sérieux.

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