Malgré tous leurs succès depuis 20 ans, Jim Balsillie et Mike Lazaridis ont commis une erreur impardonnable en affaires: s'asseoir sur leurs lauriers. Si bien que leur départ à la tête de Research in Motion (RIM), attendu depuis trop longtemps, ne règlera pas la crise existentielle du fabricant du BlackBerry.

Après les résultats catastrophiques de la dernière année (lancement raté du PlayBook, titre en baisse de 74% à la Bourse) et la pression des actionnaires, la direction bicéphale Balsillie-Lazaridis a capitulé dimanche soir. Ils continueront de siéger au conseil d'administration, qui a choisi le numéro trois Thorsten Heins pour leur succéder comme PDG.

À sa première journée dans son nouveau fauteuil, Thorsten Heins a été clair : RIM ne doit pas changer de stratégie. Un discours qui n'a rien de rassurant, sauf peut-être pour l'égo de MM. Balsillie et Lazaridis. Car des changements, il faudra en faire tôt ou tard chez RIM, qui a vu ses parts de marché des téléphones intelligents aux États-Unis passer de 44% en 2009 à 17% en 2011, loin derrière Google (47%) et Apple (29%).

Pendant que RIM s'assoyait sur ses lauriers, le téléphone intelligent se transformait. Plus qu'un simple combo téléphone-courriel - le concept ayant fait la force du BlackBerry avec son clavier si efficace -, il devenait un petit ordinateur armé de dizaines d'applications, le talon d'Achille de RIM. La tâche sera d'autant plus ardue pour Thorsten Heins que contrairement à ses rivaux, RIM produit à la fois son téléphone, son système d'exploitation et son serveur de données. Une stratégie qui attise la crise existentielle de RIM tout en multipliant son nombre de concurrents.

Le géant canadien dispose toujours de trois avantages, même si ceux-ci iront en diminuant. Primo, ses serveurs sont parmi les plus fiables, à condition que d'autres pannes ne viennent pas miner leur réputation. Deuxio, son mode de compression des données réduit les coûts de bande passante, appelés à diminuer dans l'ensemble de l'industrie. Tertio, son BlackBerry reste populaire au sein de la clientèle d'affaires, sauf qu'Apple se fait de plus en plus menaçante à cet égard. Steve Jobs avait beau ignorer les demandes des entreprises dans la conception de l'iPhone, son lieutenant Tim Cook avait l'habitude de prendre des notes.

Fin 2012 ou début 2013, RIM lancera la dixième version du BlackBerry. Cette fois-ci, il y aura moins de modèles et le système d'exploitation sera compatible avec au moins 60% des applications d'Android. Comme le retrait du duo Balsillie-Lazaridis, c'est un début, mais c'est peut-être déjà trop peu, trop tard. À moins d'un solide coup de barre, le fabricant du BlackBerry pourrait être démantelé par division, transformé en spécialiste des téléphones à bas prix ou vendu en totalité à un rival. Et même si elle parvenait à conserver ses parts de marché, RIM ne retrouvera jamais sa gloire d'antan.

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