Le premier ministre Jean Charest réclame d'Ottawa qu'il transfère au Québec la « maîtrise d'oeuvre » des programmes fédéraux en matière de culture et de communications. Ce faisant, M. Charest remet sur la table une vieille revendication du gouvernement québécois, la «souveraineté culturelle», dont Robert Bourassa avait fait le thème de sa campagne électorale de 1973.

Dès qu'il est question de rapatrier des pouvoirs à Québec, les Québécois applaudissent. De plus, il semble tomber sous le sens que les questions culturelles soient sous la responsabilité du gouvernement québécois. Toutefois, avant de se lancer dans cette nouvelle quête nationale, il serait bon de se demander quel problème on cherche à régler exactement. Est-il démontré que la culture et les artistes québécois sont mal servis par les institutions fédérales ? C'est plutôt le contraire qui est vrai. Des institutions comme Radio-Canada, l'Office national du film et le Conseil des arts ont donné aux Québécois des lieux et des ressources qui ont beaucoup contribué au développement de notre culture. En outre, le Québec reçoit depuis toujours largement plus que sa part des fonds que le fédéral investit dans ce domaine.

On dira que les compressions de 45 millions annoncées récemment par le gouvernement Harper justifient le rapatriement de cette compétence au Québec. Cet argument suppose que le gouvernement provincial serait nécessairement plus généreux que le fédéral dans le financement de la culture. Or, Québec ne s'est pas privé de réduire les budgets de son ministère de la Culture dans le passé. Et depuis nombre d'années, le gouvernement du Québec consacre davantage d'argent au ministère de l'Agriculture qu'à celui de la Culture...

Le gouvernement Charest voudrait être représenté au CRTC. Là encore, quel est le problème qu'on veut régler? Il y a toujours des Québécois au Conseil. Pourquoi des personnes nommées par le gouvernement québécois seraient-elles nécessairement plus compétentes et plus sensibles à notre culture que celles qui sont choisies par Ottawa?

La fermeture du service des nouvelles de TQS a été évoquée par certains comme démontrant la nécessité que le Québec ait juridiction dans le domaine de la télévision. En quoi, dans le cas de TQS, les données du problème auraient-elles été modifiées par un CRTC québécois? Les investisseurs se seraient précipités pour sauver l'information au Mouton noir? Les sempiternelles difficultés de Télé-Québec démontrent que l'implication du gouvernement du Québec n'est pas gage de succès.

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Si les Québécois souhaitent que la fédération canadienne fonctionne bien, ils n'ont pas intérêt à se retirer, comme par habitude, de toutes les institutions fédérales. Au contraire, ils doivent être présents dans ces institutions pour avoir sur elles une influence et pour s'assurer qu'à Ottawa, on continue de tenir compte de nos intérêts particuliers.

Faire chambre à part devrait être la dernière option, choisie lorsque les organismes fédéraux ne prennent pas en considération les spécificités du Québec et se révèlent irréformables. Ce n'est certainement pas le cas des institutions fédérales qui s'occupent des questions culturelles.

La souveraineté culturelle réclamée par M. Charest sera sans doute populaire. Ça ne veut pas dire qu'elle soit nécessaire, ou même souhaitable.

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