«Dieu a un plan!» dit la candidate républicaine à la vice-présidence américaine, Sarah Palin, lors de sa première grande entrevue donnée à la chaîne ABC. Si elle voit juste, un des chapitres importants de ce plan concerne certainement le Canada, comme Marie l'avait laissé subodorer aux petits bergers de Fatima...

Le début de la campagne électorale canadienne a en effet pris l'allure d'une semaine sainte. Le Vatican a privé le Bloc québécois de l'un de ses candidats. Les appartenances religieuses de l'un et l'autre aspirant à la Chambre des communes ont été examinées. L'intervention extrapartisane la plus tonitruante est venue d'un cardinal. La question de l'avortement, cheval de bataille de la foi militante, a servi de toile de fond.

Ce dernier point est évident dans le cas de l'archevêque du diocèse de Montréal, Jean-Claude Turcotte, qui rendra son insigne de l'Ordre du Canada afin de protester contre l'octroi du même honneur à Henry Morgentaler.

La question n'est pas non plus étrangère au retrait forcé de la politique du prêtre Raymond Gravel, qui avait refusé d'endosser le projet de loi C-484 sur les droits du foetus et pris la défense de Morgentaler dans l'affaire de l'Ordre du Canada.

Enfin, la peur de la droite religieuse est en bonne partie motivée par le spectre d'une révision du droit à l'avortement. Gilles Duceppe a précisément exprimé cette inquiétude lorsqu'a été révélée l'appartenance à l'Opus Dei de Nicole Charbonneau Barron, candidate conservatrice. Et il a été noté qu'un collègue de celle-ci, Rodrigo Alfaro, est membre d'un mouvement chrétien prônant une morale sexuelle rigide. (Parce qu'elle est musulmane et candidate néo-démocrate, il serait incorrect de se demander si Samira Laouni, qui porte le hijab, a une conception intégriste de sa religion pouvant influer sur ses positions politiques.)

Au total, ce débat sur l'avortement que l'on croyait réglé - imparfaitement, bien sûr, parce que rien n'est parfait - renaît de ses cendres, charriant avec lui des considérations surannées voulant que la divinité ait préséance sur l'humanité.

C'est très exactement la définition d'un recul.

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Étrangement, c'est le pape Benoît XVI qui, débarquant en France, vendredi, proclame qu'il est «fondamental d'insister sur la distinction entre politique et religieux».

Quel judicieux conseil!

Seulement, l'appliquer n'est pas simple. Historiquement, les exemples pullulent, de la complicité entre Églises chrétiennes et États dictatoriaux jusqu'à l'agit-prop marxiste des théologiens de la libération. Aujourd'hui, au Canada à tout le moins, le problème se présente sous une forme plus soft: les grandes décisions politiques ont de plus en plus un aspect moral qui ouvre la porte à l'invasion du religieux.

Or, la solution n'est pas d'épingler au tableau du déshonneur les aspirants à la politique qui ont des convictions religieuses. C'est leur affaire, après tout. Il faut plutôt s'assurer que la pression laïciste soit suffisamment forte - bruyamment militante, au besoin - pour que les dieux se tiennent à carreau.

C'est une simple question de morale.

mroy@lapresse.ca

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