À 24 heures d'intervalle, George W. Bush et Stephen Harper ont annoncé leurs intentions concernant l'Afghanistan. Elles vont en sens inverse. Le commandant en chef des forces américaines a prévu pour le début de 2009 un transfert de troupes à partir de l'Irak qui enverrait 4500 soldats de plus en territoire afghan. Le premier ministre Harper a annoncé pour 2011 un retrait total des militaires canadiens, non seulement de la région de Kandahar (comme la Chambre des communes en avait convenu, il y a six mois), mais du pays.

Pour les deux hommes, le contexte n'est pas le même, bien sûr.

Quant à lui, George W. Bush vient peut-être de donner ses dernières directives de nature stratégique avant son départ de la Maison-Blanche. Il s'agit de l'ultime ficelage du legs militaire qu'il laissera à son successeur. Mais, surtout, de l'aveu indirect d'une faute originelle: l'incroyable insouciance dont son administration a fait preuve dans le dossier afghan, le seul qui comptait vraiment après le 11 septembre 2001, saboté par l'aventure irakienne.

C'est la façon qu'a trouvée le président Bush pour tourner cette page et donner de l'air à la campagne du républicain John McCain.

Stephen Harper, lui, doit songer à la possibilité que, au beau milieu de la campagne électorale, un 100e soldat canadien - chiffre hautement symbolique - meure au combat. L'affaire sera embarrassante en particulier au Québec, dont les conservateurs espèrent beaucoup, mais où cette mission est honnie à hauteur de 76% (Strategic Counsel, fin août).

Pour le premier ministre, la promesse est donc préventive, en quelque sorte. Mais peut-elle, et doit-elle, être respectée?

Ce deadline absolu fixé par Stephen Harper le privera d'une marge de manoeuvre qui lui sera peut-être nécessaire... s'il est réélu, bien sûr.

D'une part, il existe un consensus sur le fait que les soldats canadiens doivent se retirer des zones de combat. On peut même plaider qu'il aurait été raisonnable de prévoir ce retrait avant 2011: le Canada a déjà fait plus que sa part à ce point de vue.

Par contre, quelle sera la situation en Afghanistan - et au Pakistan - dans trois ans? Et surtout: quels objectifs seront alors poursuivis? Car ceux-ci devront obligatoirement être revus par rapport à ceux (livrer clés en main aux Afghans un État fonctionnel, sécuritaire et relativement prospère) que, dans un élan de fol optimisme, on a jadis cru atteignables.

En ce lendemain du septième anniversaire du massacre que l'on sait, il faut se rappeler que l'idée principale était, au départ, de fermer un quartier général de la terreur islamiste. S'y greffe dorénavant l'obligation morale de donner aux Afghans les outils pour qu'ils se bâtissent eux-mêmes, et à leur façon, un État viable - puisqu'on peut dorénavant estimer la preuve faite que personne ne le pourra à leur place. Dans les deux cas, les soldats canadiens pourraient être utiles autrement que dans des positions de combat.

Aussi, verrouiller aujourd'hui toutes les portes à double tour, dans un contexte électoral et dans l'ignorance de ce que sera demain, n'apparaît pas comme une très bonne idée.

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